Les eurodéputés veulent ajouter à la liste des crimes environnementaux le commerce illégal de bois, l'épuisement illégal de ressources en eau, la pollution causée par les navires, les violations des lois sur les produits chimiques, les comportements à l'origine d'incendies de forêt ou encore les infractions liées à la pêche illégale. Une liste considérablement allongée par rapport à la proposition initiale de la Commission européenne en décembre 2021.
Surtout, les eurodéputés veulent sévèrement sanctionner les contrevenants : « les infractions entraînant la mort ou des atteintes à la santé et des dommages environnementaux importants » seraient passibles d'une peine d'emprisonnement d'« au moins dix ans », tandis que les autres seraient punies de quatre à six ans de prison en fonction de leur gravité. Les entreprises commettant des infractions environnementales se verraient infliger des amendes représentant « au moins 10 % » de leur chiffre d'affaires mondial sur les trois exercices précédents -contre seulement 5 % proposés par la Commission.
Elles pourraient être privées de financements publics et, en vertu du principe « pollueur-payeur », elles seraient tenues de rétablir l'environnement endommagé et d'indemniser les victimes.
Au-delà des crimes listés, une clause vise de façon générale toute « infraction pénale environnementale causant des dommages graves et étendus ou durables ou irréversibles à la qualité de l'air, du sol ou de l'eau, ou à la biodiversité, aux services et fonctions des écosystèmes, aux animaux ou aux plantes », enjoignant aux Etats de les considérer comme « un crime d'une gravité particulière, et à les sanctionner comme tels ».
Cette formule reprend une définition internationale de référence de l'écocide, un « outil juridique révolutionnaire », a souligné l'eurodéputée Marie Toussaint (Verts).
« Jusque-là, une atteinte à l'environnement ne pouvait être considérée comme infraction pénale qu'à condition d'enfreindre une législation environnementale parmi une liste précise et définie », « une approche particulièrement restrictive », a expliqué l'élue française.
Si cette clause était maintenue, « les États membres devront reconnaître l'écocide dans leur droit national » et, comme les Vingt-Sept « représentent 40 % des Etats parties à la Cour pénale internationale, cela pourrait entraîner un effet cliquet pour condamner l'écocide au niveau mondial », selon elle.
Les eurodéputés prévoient des délais de prescription des infractions pénales débutant à partir du moment de leur découverte (et non de la commission des faits), des enquêtes transfrontalières facilitées, l'élargissement des compétences du Parquet européen et une meilleure protection des lanceurs d'alerte.
La position du Parlement ouvre la voie à des pourparlers avec les Etats pour finaliser le texte, qui modifie une loi européenne de 2008 jugée trop faible et peu efficace contre une criminalité environnementale en plein essor et parmi les plus lucratives pour le crime organisé au niveau mondial.
L'ONG environnementale WWF a salué le mandat « solide et ambitieux » du Parlement, tout en s'inquiétant des pourparlers à venir avec les Etats, qui ont arrêté en décembre leur position « en introduisant des flexibilités et en affaiblissant d'importantes dispositions » du texte.
Ces négociations se tiendront sous la pression d'un calendrier particulièrement contraint avant les élections européennes du printemps 2024.