Reporter l'accord UE-Mercosur n'est « pas suffisant » pour la FNSEA, le premier syndicat agricole français, qui a appelé ses adhérents à rester mobilisés, car « le Mercosur, c'est toujours NON ! ». « Cet accord est décrié et il ne convient pas à l'agriculture. Il ne convenait pas en décembre, il ne conviendra pas en janvier », a déclaré son président Arnaud Rousseau sur Franceinfo.
Le président brésilien Lula avait ouvert la voie à ce report, après un échange téléphonique avec Giorgia Meloni. La cheffe du gouvernement italien lui a demandé de la « patience », tout en assurant que l'Italie soutiendrait l'accord in fine, a-t-il relaté.
La ministre française de l'agriculture Annie Genevard a salué vendredi ce report. « C'était la seule décision raisonnable, car il est en l'état inacceptable », a estimé sur X la ministre, qui a régulièrement affiché son hostilité à l'accord, en raison des craintes de répercussions négatives pour l'agriculture française.
« C'est une avancée mais pas une victoire : la France restera pleinement mobilisée pour défendre ses agriculteurs et ses filières. Notamment, nous travaillons sur des mesures concrètes : la clause de sauvegarde, les mesures miroirs et le renforcement des contrôles. Je le répète : ces mesures sont indispensables et ce travail doit être finalisé », a-t-elle ajouté.
Ce délai supplémentaire est un revers pour la Commission européenne, l'Allemagne et l'Espagne qui poussaient pour une signature dans les prochains jours. Ce ne sera pas « réglé cette année, mais il semble désormais presque certain que cela va se faire », nuance une source gouvernementale allemande, qui vise une signature « mi-janvier », car l'Italie sera cette fois « à bord ».
« Interminable »
La puissante fédération allemande de l'industrie chimique et pharmaceutique (VCI) a quant à elle fait part de sa « frustration » face à une « interminable partie de bras de fer ». L'exécutif européen espérait parapher ce traité de libre-échange samedi au Brésil. Mais Ursula von der Leyen avait besoin au préalable de l'aval d'une majorité qualifiée d'États membres à Bruxelles, dont l'ont privée la France et l'Italie notamment.
À l'issue du sommet, Emmanuel Macron a demandé que le texte « change de nature », avec davantage de garanties pour les agriculteurs. Le président français n'exclut pas d'accepter l'accord en janvier, mais il est « trop tôt pour le dire ». « Je l'espère, parce que ça veut dire qu'on aura obtenu des avancées (...) historiques », a-t-il expliqué.
Pour cela, il demande la concrétisation de ses trois exigences auxquelles Bruxelles a déjà commencé à répondre : une « clause de sauvegarde » en cas de déstabilisation des marchés agricoles, des « clauses miroirs » en matière de normes sanitaires et environnementales, et des contrôles sanitaires accrus à l'importation.
« Nous avons besoin d'avoir ces avancées, que le texte change de nature, qu'on parle d'un autre accord », qui « permette de protéger nos agriculteurs », a-t-il prévenu dans la nuit. Dans l'espoir de calmer la colère dans les campagnes, il a réclamé en parallèle « le maintien des revenus de nos agriculteurs dans la future » politique agricole commune (Pac). Le président français n'exclut pas d'accepter l'accord en janvier, mais il est « trop tôt pour le dire ».
Lacrymogènes et vitres brisées
En marge de ce sommet européen entre chefs d'État et de gouvernement jeudi à Bruxelles, des milliers d'agriculteurs sont venus faire entendre leur colère. Avec pneus en feu, jets de pommes de terre et de projectiles auxquels ont répondu des canons à eau et des tirs de gaz lacrymogènes de la police. La situation a été particulièrement tendue autour des institutions européennes, protégées par un important dispositif policier.
Selon la police belge, 7 300 personnes, avec une cinquantaine de tracteurs, ont pris part à la manifestation autorisée, principalement dans le calme. Mais 950 tracteurs supplémentaires s'étaient massés dans le quartier européen, engorgeant plusieurs rues. Des personnes masquées ont brisé en outre plusieurs vitres d'un bâtiment du Parlement, a constaté l'AFP.
Mercosur, taxes sur les engrais, réforme de la politique agricole commune (Pac) : les sujets de mécontentement sont nombreux, ont rappelé plusieurs manifestants. Le Mercosur ? « C'est de la concurrence déloyale, ils vont importer des produits, traités avec des choses que nous, on n'a pas le droit d'utiliser.(...) On nous ramène des poulets de merde », fustigeait la Française Florence Pellissier, 47 ans, agricultrice en grandes cultures (betterave, maïs, colza) en Seine-et-Marne près de Paris.
« On a l'impression qu'aujourd'hui, Ursula (von der Leyen) veut passer en force », a aussi dénoncé Maxime Mabille, producteur laitier belge. « Notre fin = votre faim », résumait un slogan peint sur un cercueil noir. De nombreux agriculteurs européens reprochent aux pays du Mercosur de ne pas respecter les réglementations environnementales et sociales auxquelles eux-mêmes sont soumis.
Ces inquiétudes s'ajoutent à celles sur la réforme des subventions de la Pac, que la Commission européenne est accusée de vouloir « diluer » dans le budget européen. Pour les agriculteurs français, la gestion par le gouvernement Lecornu de l'épizootie de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) vient encore amplifier le mécontentement.