Sur la commune du Hamel (Oise), pompiers, voisins et agriculteurs garent un à un leurs camions en bordure de champ pour constater les dégâts. 40 hectares de blé et de chaume - les tiges de céréales restées sur pied après la moisson - sont partis en fumée depuis 13h30, noyant les villages alentours d'un épais brouillard de fumée, a constaté une journaliste de l'AFP.
Ces feux de moisson ne sont pas rares. Le risque est accru quand tout est sec et le temps chaud. Ici, une soixantaine de paysans voisins du nord-ouest de Beauvais ont été appelés à la rescousse par un SMS de l'antenne départementale du syndicat agricole, la FDSEA. Plusieurs ont déboulé avec leurs cuves à eau et déchaumeurs, de grands râteaux tractés qui retournent la paille et la mélangent avec la terre pour étouffer le feu.
Le ballet des machines s'achève à peine qu'une deuxième colonne noire se dessine dans le ciel à quelques kilomètres, sur la commune voisine, Le Crocq. Les pompiers ont à peine le temps de filer que la nouvelle tombe sur les téléphones : « Au regard du vent et du risque incendie, la préfète vous demande d'arrêter les travaux dans les champs jusqu'à 21h00 ce soir », annonce dans un SMS la préfecture de l'Oise.
Elle recensait mardi soir pas moins de 13 incendies, soit 145 hectares brûlés dans le département, où 250 pompiers s'activaient toujours dans la soirée. Des scènes vues mardi jusque dans la Somme, le Pas-de-Calais et dans les Ardennes, consumant des dizaines d'hectares de terres.
#Incendies ?? A 18h30 Les sapeurs-pompiers de l’Oise font face à de nombreux feux dans le département. Plus de 200 soldats du feu sont engagés. Réservez vos appels 18-112 pour les urgences, respectez les consignes @Prefet60 pic.twitter.com/WZqZOMQE5b
— Sapeurs-pompiers de l'Oise (@SDIS60) July 19, 2022
Ici, comme à travers la France, pompiers et agriculteurs se sont mis à collaborer depuis quelques années pour prévenir et, au besoin, éteindre les incendies avec leurs engins et leurs citernes d'eau.
Les agriculteurs du Valois étaient présents aux côtés des pompiers du @SDIS60 pour apporter un peu d’aide avec leurs cuves à eau… Entraide et solidarité, deux valeurs partagées par ces deux professions. Merci d’avoir tout fait pour préserver notre belle forêt d’Ermenonville ?? pic.twitter.com/Kbez2Z2alz
— Duchesne Emeric (@drimeric) July 20, 2022
Régis Desrumeaux, président de la FDSEA, garde un souvenir vivace des incendies de l'été 2019 qui ont provoqué le décès d'un agriculteur. C'est notamment cet évènement qui a conduit au protocole de lutte contre les feux entre les pompiers et la chambre d'agriculture de l'Oise. « C'est la première fois qu'on travaille dans ses conditions-là », relève toutefois Adrien Dupuy qui a dû interrompre sa moisson et trépigne en attendant de pouvoir reprendre la récolte du blé - 34 hectares environ - à la tombée du jour.
Silex et étincelles
A 250 km au sud-ouest, dans les grands champs de la Beauce, même chaleur étouffante et même odeur âcre : au détour d'un virage, ça brûle à Luplanté. Deux tracteurs retournent la terre de la parcelle où 12 tonnes de chaume ont brûlé et où l'incendie s'apprêtait à redémarrer sous la paille noircie, poussé par le vent chaud, avant d'être stoppé à temps par l'intervention des agriculteurs.
« On est inscrit sur une liste pour dire que l'on a un tracteur et un déchaumeur et que l'on peut prêter main forte en cas de feu », explique dans son tracteur bleu Thibaud Guillou, 38 ans, et « avant que cela prenne des proportions catastrophiques ». « Les pompiers arrivent avant nous et ils nous disent ce qu'ils veulent. Là, on a étalé la paille au sol, pour qu'ils puissent éteindre le feu au cœur », décrit l'exploitant. Ce dispositif existe depuis 2020. En une demi-journée, le jeune agriculteur a été formé au risque incendie par les pompiers (Sdis) d'Eure-et-Loir, comme une soixantaine de ses confrères. « On explique aussi comment on peut déchaumer sans risque pour éviter la propagation », souligne le lieutenant Michael Montès.
Les agriculteurs sont aussi incités à déclarer dans une application l'avancement de leurs moissons, « afin de définir un niveau de risque », ajoute le pompier.
En plus du déchaumage, les agriculteurs peuvent aussi être appelés à mettre leurs cuves à eau à disposition ou à positionner des pulvérisateurs dans les parcelles à risque. Et ils sont nombreux sur cette terre pleine de silex, un caillou sur lequel le moindre frottement de métal peut provoquer l'étincelle qui embrasera tout un champ.
[Mise à jour] Notre pays traverse une période thermo-hydrique exceptionnelle. La hausse des surfaces brûlés est simplement SPECTACULAIRE.
— Dr. Serge Zaka (Dr. Zarge) (@SergeZaka) July 19, 2022
??Près de 30000ha ont brûlé en 2 semaines (!) soit 3 fois la norme ANNUELLE ! C'est... dingue !#feuxdeforet #Gironde #heatwave #LaTestedeBuch pic.twitter.com/1M5i8qJlTM