Suffit-il de soutenir l’essor des circuits courts et des Amap pour défendre les intérêts des agriculteurs en zone périurbaine et pérenniser leurs activités face à l’extension des métropoles ?
Evidemment non, défend Anne-Claire Val, présidente de la Chambre d’agriculture de la Drôme et de l’association Sol et Civilisation. Elle était invitée ce 10 juin pour clore la première table ronde, intitulée "La ruralité à l’épreuve d’une nouvelle organisation territoriale", de la conférence organisée par Saf agr’iDées. Le think tank tenait, le même jour, sous la présidence de Laurent Klein, sa première assemblée générale depuis le repositionnement de Saf Agriculteurs de France.
Un nouveau modèle d’organisation ville-campagne reste à inventer. « En sortant du mythe de la solution unique », a expliqué Michel Destot, député de l’Isère, lui aussi invité à la conférence, et en s’inspirant, pourquoi pas, des expériences conduites en Suisse (canton de Genève) et à Nantes.
Dans ce nouveau modèle, l’activité et les territoires agricoles doivent être, selon la présidente de Sol et Civilisation, au cœur des politiques des métropoles.
La ruralité de moins en moins représentée
A ce jour, les agriculteurs français sont de moins en moins nombreux dans les différentes assemblées d’élus territoriaux et nationaux pour défendre la politique rurale qu’il serait judicieux de mettre en place selon eux.
Le passage à 13 régions et la disparition de la moitié des départements dans les prochaines années pourraient renforcer leur isolement. Puisque les Conseils régionaux et généraux sont le plus souvent dirigés par des conseillers issus de milieux urbains, les préoccupations environnementales relèguent parfois au second plan les questions agricoles. Quand il ne s'agit pas d'amalgames entre ce qui relève d’agriculture et d’environnement !
Le monde rural est de moins en moins représenté dans les diverses instances politiques et ce mouvement semble irréversible. Par petites touches, les différentes réformes institutionnelles ont réduit le nombre de représentants du monde agricole dans les assemblées des collectivités territoriales (conseils régionaux, départementaux), à l’Assemblée nationale, au Parlement européen et même au Sénat !
Résultat, « ces réformes ont toutes été dans le sens d’un amoindrissement du monde politique dans le monde rural », déplore Erie Giuly, ancien directeur général des collectivités locales et maître de requêtes honoraire au Conseil d’Etat. Et ce n’est pas fini !
Campagne-villes : pot de terre contre pot de fer
Dans quelques années, la disparition de certains départements au profit de métropoles régionales va accentuer le phénomène. Et la fermeture prochaine de sous-préfectures conduira à isoler davantage les agriculteurs des représentants de l’Etat avec lesquels ils collaborent pour réaliser leurs projets.
Au Parlement européen dans les années 1980, huit députés français étaient agriculteurs. A ce jour, ils ne sont plus que deux ou trois alors que le budget de la Pac relève dorénavant de la codécision entre les trois organisations européennes (Conseil, Commission et Parlement).
Le paradoxe de nos sociétés modernes : une part de plus en plus importante de la population urbaine dépend, pour se nourrir, des agriculteurs alors que ces derniers ont le sentiment d’être à l’écart de cette urbanisation croissante.
Pourtant de moins en moins nombreux, les agriculteurs français et européens ont toujours la charge d'entretenir la majorité des territoires. Et plus le temps passe, plus la responsabilité qui pèse sur leurs épaules pour les valoriser est grande.