Dans les Deux-Sèvres
Contre les bassines, la manifestation tourne rapidement à l'affrontement

Un long cortège a commencé à défiler en fin de matinée, composé d'au moins 6 000 personnes selon la préfecture et d'environ 25 000 selon les organisateurs - le collectif d'associations « Bassines non merci », le mouvement écologiste des Soulèvements de la Terre et la Confédération paysanne.

Plus de 3 000 gendarmes et policiers ont été mobilisés par les autorités, alors qu'« au moins un millier » d'activistes violents, en partie venus de l'étranger dont l'Italie, « prêts à en découdre avec les forces de l'ordre », sont présents.

La manifestation, interdite comme la dernière à l'automne, a convergé vers la « bassine » de Sainte-Soline, surnom donné par leurs adversaires à ces réserves d'eau en construction dans la région pour l'irrigation agricole.

« Le but, c'est d'approcher et d'encercler la bassine pour faire stopper le chantier », a affirmé un membre des Soulèvements de la Terre au départ du cortège qui s'est ensuite scindé en plusieurs groupes à cette fin.

À l'approche du chantier, défendu par les forces de l'ordre, de violents affrontements ont éclaté rapidement avec des militants radicaux, à coups de multiples jets de projectiles, de tirs de mortier et d'explosifs d'un côté ; de gaz lacrymogènes et de canon à eau de l'autre, selon des journalistes de l'AFP.

Vers 13h30, les abords de la bassine ressemblaient à une scène de guerre, avec de très nombreuses détonations, qu'observaient de loin, et au son des bandas, la plupart des manifestants restés pacifiques. Plusieurs véhicules de gendarmerie ont pris feu sous les vivats de certains.

Aucun bilan n'a été fourni pour l'instant. Plusieurs gendarmes ont été blessés, selon une source proche du dossier ; des blessés sont « en cours d'évacuation ou de localisation », selon la préfecture. Un photographe de presse a été touché à la tête et les organisateurs ont fait état d'un blessé « en urgence vitale ».

« À Sainte-Soline, l'ultra gauche et l'extrême gauche sont d'une extrême violence contre nos gendarmes. Inqualifiable, insupportable », a réagi dans un tweet le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin.

« C'était un scénario écrit d'avance avec un positionnement démesuré de forces de l'ordre », a déploré à l'inverse le sénateur EELV d'Ille-et-Vilaine Daniel Salmon, venu manifester avec d'autres élus écologistes et LFI.

« Il y a des dizaines de milliers de personnes qui sont venues manifester en tout pacifisme, pour essayer de protéger notre accès à l'eau, c'est pas un petit sujet en ce moment », a souligné de son côté Sandra Regol, députée EELV du Bas-Rhin, sur BFMTV.

« Je n'ai aucun problème avec cette violence, même si je n'y prends pas part. Il y a de la violence partout en ce moment, à commencer par cette réforme des retraites (...) Je comprends que des gens aient la rage », a déclaré à l'AFP l'un de ces manifestants, un trentenaire venu du nord de la France.

« Faire front »

« Alors que le pays se soulève pour défendre les retraites, nous allons simultanément faire front pour défendre l'eau », revendiquent les organisateurs, qui ont installé un campement à quelques kilomètres de Sainte-Soline, sur la commune de Vanzay, en bordure du périmètre d'interdiction.

« Ne tombez pas dans la violence, la vraie violence c'est celle de l'État », avait précédemment lancé à la foule Julien Le Guet, porte-parole de « Bassines non merci », sous le coup d'un contrôle judiciaire qui le prive de manifestation.

Le dispositif de sécurité est deux fois plus important que lors de la dernière manifestation. « Il y a une très grande mobilisation de l'extrême gauche et de ceux qui veulent s'en prendre aux gendarmes et peut-être tuer des gendarmes et tuer les institutions », avait justifié Gérald Darmanin vendredi sur Cnews.

Des armes avaient été saisies en amont du rassemblement - boules de pétanque, frondes, lance-pierres, produits incendiaires, couteaux et haches selon la gendarmerie - et 11 personnes interpellées, dont sept sont actuellement en garde à vue, selon le parquet de Niort.

Plusieurs élus EELV et LFI manifestent samedi, tandis que des observateurs des pratiques policières mandatés par la Ligue des droits de l'Homme doivent « documenter le maintien de l'ordre » durant le week-end.

Substitution

La bassine de Sainte-Soline fait partie d'un ensemble de 16 retenues, d'une capacité totale d'environ six millions de mètres cubes, qui doivent être construites dans le cadre d'un projet porté par une coopérative de 450 agriculteurs, soutenu par l'État mais contesté de longue date.

Il vise à stocker de l'eau puisée dans les nappes superficielles en hiver, afin d'irriguer les cultures en été quand les précipitations se raréfient, selon un principe de « substitution ». Ses partisans en font une condition de la survie des exploitations face à la menace de sécheresses récurrentes.

Son coût de 70 millions d'euros est financé à 70 % par des fonds publics en échange de l'adoption de pratiques agroécologiques par les bénéficiaires, une vaine promesse selon les opposants qui dénoncent un « accaparement » de l'eau par « l'agro-industrie » à l'heure du changement climatique.

« Il y a seulement 6 % de la surface agricole utile qui est irriguée en France et il y a 100% des agriculteurs qui subissent la sécheresse », a déclaré Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne, samedi sur RMC. Le ministre de l'agriculture, Marc Fesneau, a défendu quant à lui sur France Inter un projet « exemplaire » en termes de « sobriété » agricole.

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