À« 52 ans, je n'avais jamais vu la mer ! », s'exclame un éleveur laitier de Midi-Pyrénées qui n'était pas parti en vacances depuis 19 ans, « on ne voit plus les choses pareil, on se fixera un objectif de partir chaque année deux ou trois jours pour se faire plaisir », selon un témoignage recueilli par des travailleurs sociaux auprès d'agriculteurs qui ont bénéficié du programme « partir pour rebondir ». « C'est un moment important pour moi et ma fille. C'est la première fois que je peux lui offrir des vacances. Je suis un papa comme les autres », témoigne aussi un agriculteur du Limousin. « Nous avons fait connaissance d'autres couples et avons pu partager tous les repas avec eux. Cela a fait du bien de s'ouvrir à d'autres personnes. Chez moi je ne vois personne », confie un autre agriculteur de Midi-Pyrénées.En 2017, le dispositif d'action sociale de la MSA a permis à 9 659 familles de partir en vacances, sous condition de ressources.
« Pas de culture vacances »
« Partir pour rebondir » est un autre dispositif destiné au noyau « des populations qui ne sont jamais parties en vacances avec leurs parents et qui font la même chose avec leurs enfants, qui n'ont pas de "culture vacances" », explique Bruno Lachenaie, directeur de l'action sociale de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole - CCMSA. Des familles qui ne bougent jamais, faute de moyens, mais aussi d'opportunités. Ce programme est co-financé à 80 % par la MSA et l'Agence nationale des chèques vacances (ANCV). Les 20 % restants sont à la charge des agriculteurs « pour qu'ils n'aient pas l'impression qu'on leur fait l'aumône », précise à l'AFP le directeur de l'action sociale. La MSA peut prendre en charge le remplacement dans l'exploitation si nécessaire. Accompagnés de A à Z par des travailleurs sociaux, ces vacanciers sont envoyés en priorité dans la dizaine de centres de vacances de la MSA, « où toutes les équipes sont attentives à accueillir des publics qui n'ont pas les codes », l'habitude de partir, explique Bruno Lachenaie. Il y passent en moyenne six jours. « Après on fait un suivi avec les travailleurs sociaux, et les gens reviennent gonflés à bloc », raconte-t-il. « Je veux mieux gérer notre stress face à la conjoncture économique », témoigne ainsi un agriculteur bérichon auprès des travailleurs sociaux. En 2017, 1 715 personnes ont bénéficié de ce dispositif, soit une augmentation de 25 % par rapport à 2016, due selon la MSA à l'articulation de cette action avec un autre dispositif lancé en 2017 pour aider les agriculteurs en « burn-out » : l'aide au répit.
Aide au répit
En plus de l'offre de remplacement, les mesures proposées pour l'aide au répit ne consistent pas forcement en congés. Pour certains des 3 500 bénéficiaires, « ça a été mettre de l'ordre dans leurs papiers, pour d'autres de faire partie d'un groupe de parole, ou encore de faire les examens médicaux qu'on repousse depuis des années ». Cependant l'aide au répit à laquelle le gouvernement avait alloué 4 millions d'euros en 2017 dans le cadre des plans d'urgence pour les agriculteurs, est remise en question car le gouvernement n'a pour l'instant pas renouvelé cette enveloppe. « Il y a un changement culturel en train de s'opérer » parmi les agriculteurs, explique Florence Herman-Boulanger, doctorante en sociologie à l'université de Lille. Alors qu'ils étaient à peine plus de 20 % à prendre des vacances au début des années 1990, ils sont aujourd'hui presque 50 %, mais ils ne prennent en moyenne que 10 jours, moitié moins que la moyenne des Français. Les agriculteurs restent la catégorie socio-professionnelle qui en prend le moins avec les ouvriers, pour des raisons essentiellement professionnelles - on ne quitte pas une exploitation facilement - avant les raisons économiques. Mais « les moins de 40 ans sont 70 % à s'accorder quelques jours de vacances par an », souligne-t-elle. « L'évolution de la protection sociale qui a mis en place des services de remplacement, et les sociétés collectives sur les exploitations », permettent aujourd'hui plus facilement de partir, explique Florence Herman-Boulanger, avant de rappeler : « les vacances sont un marqueur social fort pour se sentir comme tout le monde ».