Terre-net Média : Quelle place occupe l'isoproturon dans les stratégies de désherbage actuelles ?
Maxime Bénichon, chef produit herbicides de DuPont : « Avec des utilisations proches de 1,8 million d’hectares, l’isoproturon figure dans le top 5 des molécules du désherbage des céréales à paille en France. Ce classement est justifié vu l’intérêt technique de cette substance active : un spectre graminées largement confirmé, un spectre dicotylédones intéressant, notamment sur matricaire et stellaire, et un mode d’action - classement dans les urées [groupe HRAC C2] - qui maintient une diversité chimique dans le paysage herbicide pour une maîtrise durable des adventices. »
TNM : Son retrait pourrait complexifier encore la lutte contre les mauvaises herbes ?
herbicides DuPont (©DuPont)
MB : « En effet. Alors que les systèmes de production ont été simplifiés, notamment le travail du sol, et que le nombre de substances actives disponibles dans la rotation céréalière a significativement diminué, des résistances aux herbicides apparaissent pour certaines adventices. La maîtrise du désherbage devient de plus en plus difficile. Malgré le retrait de l’isoproturon, les agriculteurs doivent continuer à désherber les céréales avec une grande attention pour sécuriser le potentiel de rendement. La profession doit donc proposer des alternatives. »
TNM : Quelles sont ces alternatives ?
MB : « L'agronomie offre des outils indiscutables pour diminuer la pression des adventices avant d’envisager les alternatives chimiques. Dans les situations à forte pression adventice, tous les leviers devront être mis en œuvre par les agriculteurs avant même l’implantation de la céréale : travail du sol, labour ponctuel, décalage de la date de semis, modification de la rotation afin de casser le cycle des adventices fréquemment rencontrées dans les céréales d’hiver.
Quant à la chimie, nous pouvons lire dans les recommandations d’Arvalis pour la campagne 2016-2017, qu'une fois la culture implantée, les solutions herbicides sans isoproturon à l’automne vont avoir pour pilier les bases flufénacet, prosulfocarbe, pendiméthaline et le chlortoluron. Le panel de solutions chimiques disponibles dès l’automne pour les agriculteurs reste important. Les stratégies de désherbage sur blé tendre d’hiver ne devraient donc pas fondamentalement changer, avec des associations à l’automne qui devront généralement être complétées par un rattrapage en sortie d’hiver. En revanche sur orge d’hiver, ce retrait semble plus problématique. La céréale recevait un tiers de l’isoproturon au niveau national. Et les associations envisageables dès l’automne ne sont pas toujours sélectives de l’orge. De même, la contribution de l’isoproturon dans la lutte contre certaines dicotylédones dès l’automne ne sera pas toujours compensée par les solutions de substitution présentées. »
TNM : Quels sont vos conseils pour aborder ce changement ?
MB : « DuPont souhaite accompagner la profession et les agriculteurs face aux impasses techniques qui peuvent se présenter. Les partenaires de DuPont pourront utiliser l’outil Evalio SU gestion pour faciliter l’argumentation sur l’intérêt des leviers agronomiques auprès des agriculteurs, et appuyer leurs recommandations vis-à-vis des problématiques définies pour chaque parcelle de l’exploitation.
Concernant les impasses envisagées sur orge d’hiver, notre équipe de développement met en place, dès cet automne, un programme d’expérimentation pour tester la sélectivité et l'efficacité de différentes solutions. Les associations de la gamme flupyrsulfuron avec d’autres modes d’action devraient confirmer des pratiques historiques qui ont fait leurs preuves et qui restent aussi souples d’utilisation que pouvait l’être l’isoproturon. Enfin, sur les dicotylédones, l’équipe DuPont va proposer des solutions compétitives, souples d'emploi, avec un très large spectre, pour maîtriser l’enveloppe de désherbage tout en veillant à apporter une diversité chimique dans la rotation afin de prévenir les éventuels cas de résistance. »
