Dans un rapport publié en novembre 2022, le Centre d’études et de prospective (CEP) du ministère de l’agriculture se penche sur l’apiculture à travers les questions adressées au gouvernement par les députés depuis 1981. Il constate que le questionnement sur l’impact des produits phytosanitaires progresse réellement à partir de 2011, année caractérisée par un contexte de mortalités anormales et dont les causes se sont avérées complexes à identifier.
Néanmoins, « sur le plan social et politique, l’attention porte essentiellement sur les pesticides, et en particulier les insecticides systémiques de type néonicotinoïdes (NNI), au point qu’une proposition de résolution visant à les interdire a été déposée en 2012 par la députée Laurence Abeille », rappelle le CEP.
Le ministère de l’agriculture reste en première ligne des questions posées par les députés, puisqu’il est à l’origine de 86 % des réponses apportées (sur des sujets liés aux phytosanitaires, mais également l’étiquetage d’origine, ou le frelon asiatique).
Progression des questions sur les pesticides et les NNI
« Les questions déposées par les députés reflètent majoritairement les débats qui ont animé la filière apicole et les enjeux auxquels elle se trouve confrontée. L’attention de la représentation nationale est ainsi restée focalisée, pendant quatre législatures successives (de la XIe à la XIVe, soit de 1997 à 2017), sur les sujets sanitaires. Ainsi, 75 % des questions posées sur cette période portaient sur une thématique sanitaire, et dans 93 % des cas sur des sujets liés à la santé des abeilles », précise le rapport, qui ajoute que ces problématiques sont généralement abordées à travers des questions portant sur l’usage des pesticides en général et les néonicotinoïdes en particulier.
Néanmoins, la ré-autorisation temporaire des NNI à partir de 2017 n’a pas donné lieu à davantage de questionnement sur le sujet. « Les 158 députés qui avaient voté contre ce texte n’ont pas saisi pour autant cet outil de contrôle parlementaire pour interroger le gouvernement sur ce sujet », indique le CEP. À partir de 2017, c’est davantage la question de l’origine des miels et de la concurrence des importations qui prend de l’importance.
Quelles évolutions possibles de cette préoccupation apicole ?
Ce sujet de l’origine pourrait à l’avenir être plus prégnant, si le niveau des importations reste élevé, principalement en provenance d’Amérique du Sud et d’Asie, qui renforcent leur position sur le marché en raison de la guerre en Ukraine (fournisseur de 20 % des importations françaises). La compétitivité hors coût représenterait alors un levier pour favoriser la commercialisation des miels français. La lutte contre la fraude pourrait ainsi concentrer les questions des députés.
Autre hypothèse évoquée par le CEP, celle d’une priorisation mise sur la santé des abeilles, en raison d’une multiplication d’épisodes climatiques extrêmes se traduisant par des épisodes de disettes pour les cheptels apiaires, en parallèle de la survenue de nouveaux bioagresseurs. « En matière de questions parlementaires, cela se traduit par des interrogations concernant les mesures qu’envisagent le gouvernement pour soutenir l’économie apicole et réduire les facteurs de stress des abeilles », explique le rapport.
Enfin, la dernière hypothèse évoquée est celle d’une relativisation du rôle de l’abeille comme sentinelle de l’environnement et un statut de l’abeille domestique plus clivant. « Dans leurs questions, les députés intègrent le sujet des pollinisateurs comme indicateurs de la préservation de la biodiversité, en prenant soin de distinguer les abeilles mellifères des pollinisateurs sauvages », projette le CEP.