L'année 2022 a démarré très fort pour le colza. Le prix de ses graines a franchi pour la première fois de son histoire, la barre des 800 €/t le 7 janvier, et a même atteint le record de 831 €/t (Fob Moselle) le 10 janvier. Le colza bondit de record en record. Depuis, ses cours se sont légèrement repliés mais restent à un niveau très élevé. Le colza cotait par exemple 734 €/t Fob Moselle le 22 février. Entre le 20 mars 2020 et le 20 mars 2021, le cours du colza Fob Moselle passait de 353 €/t à 522 €/t, et on considérait déjà cette hausse comme spectaculaire. Sur l’année 2021, les cours de la graine ont quand même grimpé de 80 % !
Petites récoltes des deux côtés de l’Atlantique
Cette flambée des cours s’explique avant tout par une inadéquation entre l’offre et la demande à l’échelle mondiale et une réduction des stocks. La crise du Covid avait fait baisser les cours. Les prix bas n’avaient pas encouragé les producteurs à semer du colza en 2020 et la météo n’a pas été favorable à la culture. Résultats, la production 2021 est restée plus faible que d’habitude des deux côtés de l’Atlantique, alors que la demande aussi bien en huile qu’en protéines repartait à la hausse. Dans l’Union européenne, la production de colza est restée en-deçà de 17 millions tonnes (Mt) alors qu’elle atteignait, trois ans plus tôt, 22 Mt. A cela s’ajoute l’augmentation du prix du pétrole qui joue sur celui des huiles, car une partie de la production est valorisée sous forme de biocarburants. Soja, huile de palme… le prix des oléagineux majeurs se sont envolés et, dans leur sillage, ceux du tournesol et du colza.
La forte hausse du cours du colza peut-elle durer ?
Sur la fin de l’année 2021, le colza a bénéficié de la hausse du cours du soja, liée alors surtout à la dégradation des conditions climatiques dans le sud du Brésil et le nord de l’Argentine, respectivement premier et troisième producteurs mondiaux de soja. « Les cours des oléagineux trouvent aussi du soutien dans la fermeté du pétrole et du palme, souligne La Coopération Agricole métiers du grain. Au Canada, les prix du canola continuent aussi de se renchérir en raison de la petite récolte 2021. Cette faible disponibilité canadienne impacte les flux sur la scène mondiale. »
Caceis, une filiale du Crédit Agricole, estime aujourd’hui que la sécheresse qui a frappé le continent sud-américain, sous l’effet du phénomène climatique La Niña, limite le potentiel des récoltes de soja. La pluie est revenue mais en quantité insuffisante et trop tard pour permettre de rattraper les pertes. Le retour des précipitations a même provoqué localement d’importants dégâts. Le Brésil a par exemple été victime, mi-février, d’inondations qui compliquent les récoltes de soja. Sur le plan politique, le conflit russo-ukrainien contribue également à une tension sur les cours à l’échelle mondiale. « L’Ukraine est le leader mondial de l’huile de tournesol avec plus de 50 % des parts de marché à l’échelle internationale, rappelle Michel Portier, directeur d’Agritel. Le 23 février, les flux se poursuivaient malgré une prime de risque élevée qui se fait sentir sur les taux de fret sur la mer Noire qui ont bondi depuis le début de la crise. »
Une demande en oléagineux toujours très soutenue
La demande reste très soutenue. « Le cours de l’huile de palme à Kuala Lampur progresse et a dépassé les 5 000 ringgit la tonne, en raison de la demande importante de la part de la Chine et de l’Inde alors que l’offre en Asie du Sud-Est est réduite », analyse La Coopération Agricole métiers du grain. Le spécialiste du marché des huiles Oilworld estime qu’il y a un risque d’insuffisance des importations pour combler la demande européenne. Les triturateurs européens ont besoin, selon lui, d’acheter entre 5 et 5,5 millions de tonnes de colza et de canola sur le marché mondial. « Les besoins de la Chine en produits de base s’étaient légèrement essoufflés au mois de décembre, mais devraient reprendre très fortement en ce début d’année », indique également Caceis. Le cabinet Tallage constate de son côté que l’Inde a décidé début février de réduire la taxe à l’importation sur l’huile de palme, pour limiter les prix de l’huile sur son marché intérieur. Ce qui s’est traduit par un regain d’intérêt des acheteurs indiens pour l’huile de palme originaire de Malaisie et une remontée des cours.
Échéance nouvelle récolte à la hausse
Les cours sur Euronext et les autres bourses mondiales restent hauts pour les récoltes 2022 et 2023. En colza, ils atteignaient le 22 février, 635 €/t pour l’échéance août 2022 et 625 €/t pour l’échéance mai 2023. Là encore de nouveaux records ! Mais attention prévient Caceis : « L’impact de la hausse des matières premières sur l'économie pourrait pénaliser la demande à moyen terme si les prix s’envolent complètement et ne sont pas contrôlés dans le cadre de l’inflation. »
Publication initiale le 11/03/2022 à 14:31.