À circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles. L'impératif de la sécurité alimentaire mondiale, mis à mal par la guerre en Ukraine, conduit l'Europe et donc la France à mobiliser les jachères, soit près de 400 000 hectares pour l'Hexagone. L'objectif est clair : "accroître les productions et contribuer à la sécurisation des approvisionnements français et européens".
Le Gouvernement a clarifié d'emblée : les jachères déclarées comme telles dans le cadre de la Pac 2022 conserveront ce statut. Leur mise en culture et valorisation n'aura ainsi aucun impact sur les subventions allouées, en particulier le "paiement vert".
Sur cette base claire, nos agriculteurs peuvent envisager une valorisation de ces parcelles dites "d'intérêt écologique". Le Gouvernement suggère la pâture et la fauche, y compris au bénéfice de voisins. Mais aussi la mise en culture, avec des grands classiques du printemps : protéagineux, oléagineux et céréales de printemps (pour l'alimentation des hommes comme du bétail). Seule la récolte 2022 est concernée. La mesure ne s'applique donc pas (pour l'instant) aux semis d’automne.
Un potentiel plus réduit qu'il n'y parait
Si les chiffres bruts apparaissent à première vue conséquents, les 400 000 hectares évoqués s'évaluent plutôt en potentiel "net de complications diverses". Pour passer à l'action, et dépasser une simple fauche ou pâture de circonstance, il faut en effet lever quelques réticences.
Problèmes techniques – Une part non négligeable des jachères françaises concerne des parcelles de qualité inférieure, parfois compliquées à travailler. De plus, la question se pose de la façon de gérer le couvert en place, à l’aide d’un travail du sol ou d’un herbicide non sélectif, pour assurer la bonne implantation d’une éventuelle culture. Cela décourage d'emblée un certain nombre d'agriculteurs.
Problème de calendrier – L'annonce tardive n'a pas aidé les exploitants à franchir le cap. La marge d'anticipation trop faible (temps nécessaire à l'analyse des coûts, approvisionnements, gestion du couvert en place) n'encourage pas les bonnes volontés.
Ainsi, les dérogations accordées n'auront sans doute pas l'effet escompté, comme l'illustre un récent sondage de Terre-net. Trois quarts des agriculteurs sondés ont affirmé qu'ils ne retourneraient pas les jachères. Sans certitude à cette heure, leur mise en culture en 2022 ne dépassera sans doute pas 100 000 hectares, au mieux !
Du tournesol plutôt que des céréales…
Seuls les agriculteurs les plus motivés ont donc opté pour une remise en culture. Certes, le coût des intrants est en hausse, mais les prix des grains à la tonne flambent, en particulier pour l’orge et le tournesol. Ce sont les deux options privilégiées pour cette opération "jachères 2022". Les données officielles ne sont pas disponibles, mais les retours de terrain sont assez clairs.
Le blé ou l'orge… sans doute trop risqués
Vu les records atteints par le prix à la tonne, le blé ou l'orge ressemblaient à une bonne idée, d'autant que la restitution d'azote par la destruction de la prairie permet d'optimiser les intrants. L'option n'a semble-t-il pas convaincu. Les rendements des semis de printemps sont en effet plus faibles que ceux réalisés en hiver et la sécheresse annoncée pourrait les réduire comme peau de chagrin. Le calendrier trop tardif pour une préparation du sol et un semis optimal a aussi pesé dans la balance.
Le tournesol, star de la campagne 2022
Sans trop de surprises, pour la part de jachères qui sera effectivement retournée, c'est le tournesol qui semble être retenu comme la meilleure option. Premier constat, les besoins de la filière sont énormes et les prix sont multipliés par deux. Deuxièmement, le tournesol est peu exigeant en eau. Il semble ainsi tout indiqué vu le climat. Enfin, il n'est pas très gourmand (outre un besoin de souffre) et se sème autour du 15 avril. Ainsi est-il apparu comme la culture la plus évidente considérant le calendrier d'annonce des dérogations et la mise en place effective de la stratégie de culture à suivre.
La mesure ne s'applique pas aux semis d'automne mais la décision de la maintenir pour la prochaine campagne pourrait arriver et le colza trouver de nouvelles surfaces où se déployer. D'autant que les grandes lignes de la Pac 2023 pousseront la diversité de cultures.
Nota bene : Nous vous rappelons que seul un conseiller indépendant est autorisé à vous apporter tout conseil adapté à votre parcelle.