De réforme en réforme, la Pac est réajustée et un nouveau vocabulaire voit le jour. Cette fois-ci, l’Europe a demandé à chaque état membre d’inscrire les objectifs qu’elle a fixés dans un Plan stratégique national (PSN). La France a transmis, à la Commission européenne, la dernière version de son PSN le 15 juillet.
Des aides renforcées aux JA et aux protéagineux
Le ministère de l’agriculture a, par exemple, prévu une augmentation des moyens alloués à l’installation des jeunes agriculteurs. Cette aide, qui leur était attribuée jusqu’à présent à l’hectare, est transformée en un paiement forfaitaire à l’exploitation de 4 000 € environ par an. En ce qui concerne les aides couplées, la France va renforcer les aides spécifiques aux légumineuses, 104 €/ha pour les protéagineux et légumineuses à graines et 149 €/ha pour les légumineuses fourragères. En revanche, elle n’a rien prévu pour le colza, qui contribue pourtant, par ses tourteaux, à réduire la dépendance de l’Union européenne aux importations de matières riches en protéines.
Parmi les autres modifications, on peut aussi noter l’objectif, pour la France, de doubler ses surfaces dédiées à l’agriculture biologique d’ici à 2027, en les faisant passer à 18 % de la SAU. Le montant des aides à la conversion au bio va passer pour les grandes cultures de 300 à 350 €/ha. Les aides au maintien en bio devraient, en revanche, a priori, disparaître.
Poursuite de la convergence
Autres nouveautés, les DPB actuelles vont devenir des « Aides de base au revenu ». Selon l’analyse de CerFrance, leur montant moyen en France augmentera de 114 à 128 €/ha. La convergence, qui vise à réduire les écarts historiques des aides entre régions et exploitations, va se poursuivre. Son taux va passer de 70 % en 2020, à 85 %. Ce qui signifie que les exploitations qui bénéficiaient d’aides à l’hectare supérieures à la moyenne vont se les voir grignoter un peu plus, et celles qui disposaient de montant d’aides inférieures à la moyenne vont les voir augmenter. Le « paiement distributif » aux 52 premiers hectares est maintenu avec une aide supplémentaire pour ces surfaces d’environ 50 €/ha. Par ailleurs, la conditionnalité des aides repose actuellement sur 7 règles de bases de Bonnes Conditions Agricoles et Environnementales (BCAE). Ces BCAE passeront à 9, incluant notamment l’aspect rotation, diversification des cultures (BCAE 7).
Le PSN proposé par la France inclut également les modalités d’octroi aux agriculteurs des « écorégimes », encore un nouveau vocable. Dans la future Pac, ces écorégimes vont remplacer les paiements verts de la Pac actuelle et représenteront 25 % des aides directes. Les agriculteurs vont pouvoir percevoir des aides d’écorégimes de deux niveaux, 60 €/ha pour le niveau standard, et 82€/ha pour le niveau supérieur.
Ecorégimes : trois voies possibles
Pour prétendre aux écorégimes, trois voies possibles sont proposées aux agriculteurs. La première est celle des pratiques agricoles. Elle suppose le maintien du ratio des prairies permanentes et, pour les terres cultivées, une diversité des assolements. En fonction du pourcentage des différentes cultures dans l’assolement et du taux de prairies temporaires et permanentes, l’agriculteur pourra accéder au niveau standard ou supérieur de l’aide. Ici le colza pourra jouer pleinement son rôle en permettant aux agriculteurs de disposer d’une culture supplémentaire pour diversifier leur assolement.
Pour en savoir plus : https://cdn1.regie-agricole.com/ulf//smediadata12/ulf/CMS_Content/1/articles/210093/04_2022-01_FICHE_ECO_REGIME.pdf
La deuxième voie est celle de la certification environnementale, qui permettra d’obtenir le niveau standard pour le niveau 2+ qui reste à préciser, ou élevé, si l’exploitation est certifiée HVE, Haute Valeur Environnementale, avec un nouveau référentiel en consultation publique jusqu’au 31 juillet, ou agriculture biologique. La troisième voie sera celle des « infrastructures agro-écologiques », c’est-à-dire les haies, jachères, bandes tampons, mares… présentes sur l’exploitation.
Enfin, s’agissant de la troisième voie, il s’agit de comptabiliser les surfaces non productives sur la SAU appelées Infrastructures Agro-Ecologiques (IAE). Ce sont les haies, jachères, arbres, mares, etc. Des coefficients de conversion des IAE pour les convertir en ha existent. Ces éléments et surfaces considérés comme favorables à la biodiversité, IAE, sont les mêmes que ceux qui sont comptabilisés au titre de la conditionnalité des aides (BCAE 8).
Les derniers arbitrages
Le nouveau ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, a reçu la charge de modifier le PSN français, pour le faire accepter par la Commission. Le dernier point de négociation portait sur la bonne condition agro-environnementale (BCAE) n°7. « L’accord trouvé sur la BCAE n°7 permet aux agriculteurs d’élaborer sereinement leur semis dès cet été, grâce à une mesure plus agile, plus adaptée aux territoires, offrant davantage de souplesse pour les exploitations qui s’appuient, le plus souvent, sur une rotation de leurs cultures. » Source : https://agriculture.gouv.fr/politique-agricole-commune-la-france-finalise-son-plan-strategique-national-psn-et-donne-ainsi-de
Sur les dispositions relatives à la BCAE7, il conviendra :
- que chaque année, sur au moins 35 % de la surfaces en culture de plein champ (terres arables hormis surfaces en herbe, fourrage herbacé et jachère), la culture principale diffère de la culture de l’année précédente, ou qu’un couvert hivernal soit mis en place ;
- et qu’à compter de 2025, sur chaque parcelle, soit constaté, sur la campagne en cours et les trois campagnes précédentes, au moins deux cultures principales différentes, ou bien qu’un couvert hivernal a été présent chaque année.
- Une disposition alternative sera mise en place pour certaines zones composées de sols, riches et fertiles, d’alluvion limoneux ou argileux, et sujettes à des inondations par remontée de nappe. Dans ces zones, seront demandés 3 points au titre de la diversification des cultures.
Des inquiétudes exprimées
De nombreuses inquiétudes ont été exprimées quant au maintien de la capacité de production de l’agriculture européenne dans les années à venir, avec les exigences de la nouvelle Pac et de la stratégie Farm to Fork (de la ferme à la fourchette) de l’Union européenne. Inquiétudes renforcées par le déclenchement de la guerre en Ukraine qui pourrait imposer à l’Europe de revoir ses ambitions environnementales. Mais les objectifs affichés par Bruxelles sont bien de « favoriser le développement d’un secteur agricole plus diversifié et résilient, d’accompagner sa transition écologique et d’assurer le développement socio-économique des zones rurales afin d’améliorer leur dynamisme ». Et « cette transition devra également garantir l’accès à une alimentation sûre et de grande qualité à plus de 500 millions de consommateurs européens ».