Chasseur professionnel de pucerons, Teddy Gaillard incarne un futur sans phytos

Teddy Gaillard dans un champs de betteraves
Teddy Gaillard, dans un champs de betteraves, traque sans relâche les pucerons vecteurs de la jaunisse. (©Ad.St.)

Ils sont noirs, verts, d’automne, sur épis, cendrés… La grande famille des pucerons n’a plus aucun secret pour Teddy Gaillard. À 26 ans, ce jeune homme originaire de la Somme passe sa vie à détruire ces parasites indésirables. Avec toutes les molécules interdites au fil des années, c’est devenu son métier. « J’ai appris sur le tas. C’est une pratique déjà répandue dans d’autres pays du monde, notamment en Turquie. En France, c’est encore confidentiel », raconte-t-il. Confidentiel mais prometteur : le ministère de l’agriculture envisage de rediriger une partie de la taxe sur les phytos pour financer et multiplier les formations.

La hausse de cette taxe, à laquelle le Gouvernement avait renoncé en décembre sous la pression des syndicats agricoles, pourrait même être remise sur la table pour soutenir cette alternative aux produits phytosanitaires qui a, dit-on, le vent en poupe dans l’entourage de Marc Fesneau. Les équipes du ministère du Travail y voient, elles, un gisement d’emplois, et planchent sur une campagne de communication auprès de France Travail (anciennement Pôle emploi).

« Tout se fait au laser »

Car tout le monde se souvient encore du désarroi des producteurs de betteraves sucrières face à un épisode sans précédent de jaunisse, causée par les pucerons, en 2020, avec des pertes de rendements allant jusqu’à 40 % sur certaines parcelles infestées. Le PNRI (Programme national de recherche et d’innovation) qui doit permettre de trouver des alternatives aux néonicotinoïdes a été prolongé de 3 ans en octobre 2023 mais des résultats concrets se font attendre. « C’est clairement la betterave qui est le plus en danger aujourd’hui. Même avec un prix du sucre élevé, à un moment, si on ne peut plus produire, cela ne sert à rien… », déplore Teddy.

C’est son oncle, Pascal, qui a initié le jeune homme aux joies de l’agriculture : « Quand on monte dans un tracteur à 6 ans, on s’en souvient toute sa vie ! » Après des études de commerce « un peu en dilettante », c’est un documentaire sur la lutte contre les pucerons dans les plaines turques de la Cappadoce qui a tracé son destin : « Face aux difficultés des agriculteurs français, je me suis dit qu’il y avait là une piste à creuser ». Il commence par s’équiper – « Maintenant, tout se fait au laser, cela permet de balayer une large surface rapidement » – avant de se lancer. « Les premiers clients étaient sceptiques. Mais mes résultats parlent pour moi », s’enorgueillit-il.

« Les résultats sont là ! »

Jean-Christophe Frontin, betteravier du côté de Saint-Just-en-Chaussée dans l’Oise, salue « le redoutable potentiel de cette méthode pleine de bon sens ». « Je n’y croyais pas trop. Vous savez, j’ai 60 ans, alors des méthodes soi-disant miracle, j’en ai vu défiler. Mais force est de constater que les résultats sont là. Avec un ami agronome, on a analysé les champs après le passage de Teddy. Les populations de pucerons étaient en chute libre ». « Je garantis une pression pucerons divisée par 4 sur une parcelle traitée », annonce le jeune homme.

Teddy ne se contente pas d’éradiquer, il favorise aussi l’habitat des ennemis naturels des pucerons, les syrphes, coccinelles (il en a même une tatouée sur le biceps gauche), hyménoptères parasitoïdes, carabes, sphécides, araignées… « Ce sont des collègues ! sourit-il. En bords de champs, la longueur du linéaire de haies et d’éléments enherbés ou la présence de prairies et de bois à proximité sont des facteurs favorables à la régulation biologique. Je conseille les agriculteurs. Et en basse saison, je plante aussi des haies. »

L’excitation de la chasse

Quand il traque les parasites, Teddy a souvent une pensée pour son grand-père, Norbert, disparu il y a dix ans. « Lui, son truc, c’étaient les moustiques. Il en avait la haine. Un de ses frères d’armes était mort d’une crise de paludisme pendant la guerre d’Indochine », confie-t-il. Norbert, grand aventurier et baroudeur, avait traversé l’Afrique à pied, d’Ouest en Est de Dakar à Djibouti, « sans se faire piquer une seule fois ». « Pour lui, c’était un défi, une obsession. Dans sa maison, il y avait toujours une bougie à la citronnelle allumée. Mon fils Nolan l’appelait Grand-Papy Citron ».

La chasse, c’est ce qui fait vibrer Teddy. Que ce soit d’insectes minuscules pendant son travail ou de gros gibier pendant son temps libre, il vit sa passion à fond. « C’est sûr que je me fais un peu charrier lors des battues au sanglier. Certains m’appellent Pupuce pour rigoler. Mais dans le fond, il y a beaucoup de respect. Dans tous les cas, on régule et on aide la nature à mieux fonctionner », souligne-t-il. Teddy ne dédaigne pas non plus avoir une canne à pêche dans les mains : « Là, c’est vraiment pour la détente. Le plus important, c’est d’être avec les amis, pas d’attraper des poissons. Des poissons d'avril bien sûr ! ».

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