La sécheresse provoque restrictions et tensions

« Un pack d'eau par semaine et par personne », c'est le quota accordé aux habitants de Bouleternère, commune située en plein cœur de la plaine du Roussillon, qui comme ses voisines, Corbère, Corbère-les-Cabanes et Saint-Michel-de-Llotes, est désormais privée d'eau potable. Dans ce village d'un petit millier d'âmes, la distribution des packs a débuté jeudi soir et va se poursuivre toute la journée de vendredi.

A Corbère-les-Cabanes, 1.250 habitants, devant l'atelier municipal, Erwann Biosca, étudiant de 20 ans, inscrit son nom et le nombre de personnes du foyer et repart avec six packs de bouteilles. « C'est inquiétant de se retrouver mi-avril sans eau potable. On espère que ça ne durera pas. Se laver les dents à l'eau minérale... Il faut qu'il pleuve », dit-il en regardant le ciel.

Le forage qui alimente d'habitude les quatre villages « est au niveau le plus bas, à seulement 30 centimètres au dessus de la pompe », explique le président du syndicat intercommunal d'alimentation en eau potable, Jean-Pierre Saurie. Au total, plus de 3 000 personnes sont concernées.

« Avant d'arriver au stade où on n'a plus d'eau du tout, on a préféré faire un branchement sur un forage agricole mais cette eau n'est pour l'instant pas buvable », a-t-il poursuivi, indiquant que des analyses détermineront « dans la semaine » si l'eau est potable.

« Machine à faire pleuvoir »

Si elle ne l'est pas, les communes disposent de suffisamment de bouteilles « pour alimenter les habitants pendant dix jours » et elles se préparent à effectuer de nouvelles commandes, a assuré M. Saurie.

« Les gens sont agacés, il y a beaucoup de critiques, on nous dit qu'on ne sait pas gérer, etc. Mais bon, il n'y a pas d'eau et si on avait une machine à faire pleuvoir, on l'aurait utilisée depuis longtemps et souvent », raconte Marie-Pierre Boxero, adjointe administrative à la mairie de Corbère-les-Cabanes. Pendant qu'elle parle, les sonneries des autres lignes de la mairie n'arrêtent pas de retentir.

Dans ce village, des élus assurent la distribution des packs d'eau de vendredi entre 14h et 19h puis samedi de 9h à 12h. D'autres font du porte à porte pour livrer l'eau chez les personnes âgées.

Les Pyrénées-Orientales sont l'un des départements français les plus touchés par la sécheresse.

« La reconstitution des stocks d'eau, cruciale en hiver, n'a (...) pas eu lieu et la situation des nappes continue de se détériorer », souligne ainsi la préfecture, ajoutant : « ce phénomène qui a démarré en juin 2022, toujours en cours, est le plus long et le plus intense depuis le démarrage des suivis de l'humidité des sols par Météo France en 1959 ».

« Situation jamais vue »

« Normalement, il y a toujours de l'eau dans le barrage, mais cette année, il n'a jamais été aussi bas. Et il faut garder de l'eau pour que les Canadair puissent recharger en cas d'incendie », observe le maire de Corbère-les-Cabanes, Gérard Soler, surtout préoccupé pour les arbres fruitiers. « Sans eau, ils vont mourir, dit-il. S'il faut replanter, il faut attendre quatre ans pour que ça produise comme il faut », prévient-il.

« C'est catastrophique, c'est une situation jamais vue et on est sans doute en train de rentrer dans la période la plus sombre qu'on ait connue dans l'agriculture des Pyrénées-Orientales », se désole Bruno Vila, président de la FDSEA 66 alors qu'il menait vendredi matin une manifestation de plusieurs dizaines de tracteurs.

Les agriculteurs mobilisés déversaient des gravas et de la terre pour bloquer les accès à la RN 116 reliant notamment Perpignan à l'Andorre, occasionnant de « d'importants ralentissements », selon la gendarmerie.

« Les gens sont évidemment fortement mobilisés », dit M. Vila alors que le département est connu pour ses importantes filières de production de fruits (pêches, nectarines, abricots) et de légumes (artichauts, tomates, aubergines, courgettes).

Des baisses drastiques de rendement des cultures sont à prévoir et même la survie des arbres fruitiers est menacée si la situation ne s'améliore pas, déplore-t-il.

Les manifestants ont convergé vers le barrage de Vinça, principale retenue d'eau en amont de la plaine du Roussillon, qui alimente le fleuve de la Têt.

Ils demandent qu'une part de cette ressource aille vers l'agriculture : « à l'heure actuelle, les priorités c'est l'eau potable et la lutte contre les incendies, on comprend très bien », a affirmé M. Vila. Mais ce que demandent les agriculteurs, a-t-il souligné, c'est de « descendre encore le débit réservé » à la biodiversité dans le fleuve, pour qu'ils puisent irriguer.

A l'heure actuelle et depuis le 5 avril, un arrêté préfectoral a déjà baissé ce débit de 1 500 à 1 000 litres par seconde, les agriculteurs demandent qu'il soit diminué à 600 l/s. « Si on ne peut pas arroser, (...) on ne s'en sortira pas », insiste M. Vila.

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