La gestion des insectes dans les silos de stockage représente un enjeu majeur pour la filière céréalière française. « Il faut répondre à la fois aux demandes des clients, qui souhaitent des grains avec une qualité « saine, loyale et marchande », et aussi à la demande sociétale, en réduisant l’impact environnemental des méthodes de contrôle », explique Cédric Guillemont, responsable qualité, hygiène, sécurité et environnement à La Coopération Agricole des Hauts-de-France.
C’est dans ce contexte qu’a été lancé le projet Parhy en septembre 2023, par le consortium Stolz, UniLaSalle, La Coopération Agricole des Hauts-de-France, et l’URAP (Union régionale Artois Picardie, réunissant les coopératives Unéal, Nat’Up, Cérésia et le négoce Ternoveo).
L’objectif : valider l’utilisation à grande échelle d’un outil industriel capable de réaliser un traitement continu et homogène du grain par l’application d’ozone gazeux en enceinte contrôlée. Grâce à son démonstrateur désormais opérationnel, Parhy permet « l’hygiénisation et le contrôle garanti sans résidu de produits de synthèse des ravageurs du grain (charançon, sylvain et capucin) à différents stades de croissance ».
Développé dans le cadre de l’appel à projets du gouvernement français "Innover pour réussir la transition agroécologique", le projet a nécessité un investissement total de 5 millions d’euros. Soutenu par le "Programme d’investissements d’avenir et le Plan de relance", Parhy a reçu une subvention de 2,8 millions d’euros opérée par Bpi France
Comment ça marche ?
« Le générateur d’ozone transforme l’oxygène pur en ozone. Les molécules sont dissociées sous l’effet d’une décharge électrique, entraînant la formation d’atomes d’oxygène. En quête de stabilité, celles-ci s’attachent à d’autres molécules de dioxygène pour former de l’ozone », présentent les porteurs du projet.
« L’ozone généré est injecté dans l’applicateur de traitement. Ce dernier va permettre un écoulement gravitaire de la matière au travers des cases d’écoulement afin d'obtenir un traitement homogène de la matière. En assurant une diffusion d’ozone gazeux au cours du mouvement du grain, l’applicateur garantit des conditions optimales de traitement. »

« À UniLaSalle, on étudie l’intérêt de l’ozone depuis une quinzaine d’années, nous sommes le leader français et européen de cette technologie appliquée à l’agriculture », indique son directeur général, Philippe Choquet. En 2017, l’Institut polytechnique a construit une plateforme industrielle dédiée sur le site universitaire de Beauvais, avec l’appui de la Région. L’ambition : « prouver que l’intérêt de l’ozone démontré en laboratoire était transposable à l’échelle industrielle. »
Trouver le bon mode opératoire
Suite à ce travail de recherche & développement, Parhy est la première initiative d’application d’ozone régulé pour l’hygiénisation céréalière dans les unités de stockage. Elle vise notamment à maîtriser les coûts du traitement des grains, pour permettre d’exporter des céréales de qualité et à un prix compétitif. L’entreprise Stolz, spécialisée dans les solutions pour l’industrie agroalimentaire a travaillé aussi sur l’utilisation des micro-ondes ou du refroidissement. Mais pour le premier, « le coût était beaucoup plus important et les débits de chantier limités. Dans le cas du refroidissement, le coût énergique représente également un frein lorsque les insectes sont déjà présents dans les stocks de grains », note Alain Stolz, ancien directeur de l’entreprise.
« Trouver le bon mode opératoire en termes de débit de céréales et de quantité d'ozone est l'un des objets de ces deux années d'expérimentation industrielle qui démarrent sur le site de Moislains, cela permettra de calculer le coût à la tonne de ce traitement, qui doit rester acceptable pour les entreprises. L'idée, bien sûr, est de produire uniquement la quantité d'ozone nécessaire à la désinsectisation », ajoute Cédric Guillemont.
« Des capteurs ont été mis en place à l'intérieur et à l'extérieur du démonstrateur pour garantir la sécurité, notamment des salariés de l'URAP. Tout l'ozone qui ne serait pas consommé lors de l'application n'est pas rejeté à l'extérieur, il est évacué directement dans un destructeur d'ozone. »
Un déploiement national prévu dès 2026
Avec ce projet, l'ambition des différents partenaires est aussi de « valoriser le savoir-faire français et le travail des agriculteurs. Point à souligner : l'application d'ozone gazeux n'a aucun impact sur la qualité et les caractéristiques des grains ».
Si tous ces points sont bien validés par la phase d'expérimentation qui démarre, les partenaires de Parhy ambitionnent un déploiement national du dispositif dès 2026.