Terre-net.fr : Comme bon nombre de représentants d’organismes et syndicats agricoles, vous estimez que les territoires ruraux ne sont pas assez considérés par le Gouvernement. Pourquoi ?
Vanik Berberian : De manière générale, les territoires ruraux ont été beaucoup négligés depuis de nombreuses années. De nombreuses lois privilégient trop les zones urbaines. C’est oublier qu’en France, il n’y a pas que la concentration urbaine qui compte.
Ce manque d’intérêt se traduit de manière très concrète dans la loi Notr (loi portant nouvelle organisation territoriale) ou celle sur l’affirmation des métropoles. Ces textes affaiblissent l’échelon de proximité au profit des pôles urbains. C’est très dangereux dans le sens où elles maintiennent les déséquilibres entre zones urbaines et zones rurales. Le mécontentement, les inquiétudes et le sentiment d’abandon des habitants des territoires ruraux sont légitimes.
Terre-net.fr : François Hollande a réuni un deuxième comité interministériel décentralisé aux ruralités en Haute-Saône le 14 septembre 2015, avec à la clé 500 M€ pour les zones rurales. N’est-ce pas un signe positif du Gouvernement ?
V. Berberian : Pendant plus de cinq ans, il n’y avait pas eu de telle réunion gouvernementale. Le premier comité, organisé en mars dernier, n’avait rien apporté. Je ne veux pas faire de procès d’intention pour ce nouveau comité. Nous attendons que les mesures se mettent en place au plus vite.
Je constate simplement que, de temps en temps, et souvent à l’approche d’élections, il y a des marques d’attention à l’égard des zones rurales.
L’intérêt pour les territoires ruraux doit être soutenu et continu. C’est aussi dans l’intérêt des zones urbaines. Car l’hyper-urbanisation coûte très cher humainement et financièrement. Les gouvernements qui se succèdent doivent arrêter de faire de la simple coopération décentralisée avec les zones rurales. Nos territoires sont en capacité d’accueillir des habitants et de se développer.
Terre-net.fr : Lors de votre congrès, vous souhaitez « réinventer l’identité rurale ». Qu’est-ce que cela signifie ?
V. Berberian : Il faut mettre de côté la nostalgie. Le monde rural tel que nous l’avons connu au 20e siècle est révolu. Il est illusoire de penser qu’on va retrouver ce qui faisait la ruralité il y a trente ans. Il faut réinventer une nouvelle identité sans renier la dimension agricole qui imprime nos paysages.
Terre-net.fr : Quelles sont les priorités pour enrayer la désertification des petites communes rurales et des campagnes ?
V. Berberian : La priorité est d’abord technologique. Il faut déployer partout sur le territoire les outils d’aujourd’hui, et notamment le très haut débit. Vous ne pouvez pas imaginer un village sans eau ni électricité ni routes. Et bien on ne peut pas imaginer demain des villages sans internet. Car il innerve tous les domaines de l’activité économique : la culture, l’éducation, la santé, l’agriculture…
Il faut aussi changer notre manière de considérer les territoires ruraux. Trop d’élus cherchent à attirer à tout prix de nouveaux habitants en considérant que c’est synonyme de moyens supplémentaires. Ce n’est pas parce qu’une ville perd des habitants qu’elle est forcément en déclin. A l’Amrf, nous plaidons pour un meilleur équilibre entre zones urbaines et zones rurales.
Il faut également retravailler sur la densification urbaine et revitaliser les villages en faisant attention à la consommation d’espaces agricoles.
Terre-net.fr : Vous proposez de mettre en place un agenda de la ruralité avec d’autres structures qui agissent pour défendre la ruralité. En quoi cela consiste-t-il ? Et quel est l’objectif ?
V. Berberian : Dans les territoires ruraux, il y a des structures très actives. Mais ces organisations, associations ou syndicats partagent la même vision positive mais travaillent de manière parallèle. L’idée est d’associer ces structures pour qu’elles défendent collectivement une meilleure reconnaissance du monde rural.
L’objectif est de fixer ensemble des objectifs et des échéances à soumettre à nos élus et au Gouvernement.
C’est un chantier qu’il faut aussi mettre en place à l’échelle européenne. Avec d’autres associations d’autres pays européens, nous allons publier un livre blanc pour obliger la Commission européenne à regarder autrement les territoires ruraux.