Activité agricole, foncier, fiscalité
Le projet des notaires pour encadrer « une agriculture élargie et libéralisée »

Les notaires souhaitent faciliter le portage du foncier et dépoussiérer le statut du fermage, principaux freins à l'installation et à la pérennisation des exploitations agricoles. (©Watier Visuels) 
Les notaires souhaitent faciliter le portage du foncier et dépoussiérer le statut du fermage, principaux freins à l'installation et à la pérennisation des exploitations agricoles. (©Watier Visuels) 

Les notaires souhaitent faciliter le portage du foncier et dépoussiérer le statut du fermage, principaux freins à l'installation et à la pérennisation des exploitations agricoles.
Les notaires souhaitent faciliter le portage du foncier et dépoussiérer le statut du fermage, principaux freins à l'installation et à la pérennisation des exploitations agricoles. (©Watier Visuels) 

Quelques jours avant leur congrès, qui se tiendra du 27 au 30 mai à Cannes, les notaires de France ont dévoilé, mercredi 16 mai, les 20 propositions issues de leur épais rapport « Demain, le territoire » - un pavé de 1 000 pages ! - présenté lors du salon de l’agriculture. Ces propositions visent à adapter le cadre juridique de l’agriculture « qui date de l’après-guerre » aux nouveaux enjeux, mais aussi à faciliter le développement de l’agriculture urbaine, l’exploitation forestière et surtout la production d’énergie verte.

Les notaires ont planché sur quatre thématiques - l’agriculture, l’énergie, la ville et le financement - pour finalement jeter, non pas un, mais plusieurs pavés dans la mare, tant leurs propositions risquent de faire débat. Dans le chapitre purement agricole de leur rapport, ils s’attaquent d’abord à la définition de l’activité agricole. Les notaires veulent l’élargir « afin d’y intégrer la production d’énergie renouvelable, les prestations pour services environnementaux et toute activité connexe ayant pour support l’exploitation non incluse dans la définition actuelle ».

Rendre les baux cessibles, fusionner les Safer et le contrôle des structures

Deuxième mesure qui risque de faire réagir : permettre la cessibilité des baux ruraux soumis au statut du fermage. « Sans possibilité de cession des baux, il n’y a pas véritablement d’entreprises agricoles transmissibles », justifie Antoine Bouquemont, notaire à Reims et rapporteur général du prochain congrès. Pour éviter la spéculation, le montant des pas de porte et des loyers seraient davantage encadrés. « Cela limiterait les pratiques occultes des pas de porte. Dans certains cas, le pas de porte atteint la valeur des terres ! La patrimonialité du bail serait limitée à 30 % de la valeur des terres. » Et pour respecter les droits des bailleurs, leur agrément à la cession serait impératif, de même que leur droit de reprise en fin de bail contre indemnité.

Autre proposition phare : regrouper en une seule instance les Safer et les CDOA, qui assurent le contrôle des structures. « Ces deux institutions ne sont plus adaptées aux enjeux ». L’organisme unique serait « doté d’un pouvoir de contrôle, en amont des opérations, à la fois des mutations immobilières et de l’activité agricole ».

Lors du salon de l'agriculture 2018, Antoine Bouquemont (à droite) avait fait, avec Guillaume Lorisson et Rachel Dupuis-Bernard, une première présentation de leur rapport sur l'agriculture et les territoires.
Lors du salon de l'agriculture 2018, Antoine Bouquemont (à droite) avait fait, avec Guillaume Lorisson et Rachel Dupuis-Bernard, une première présentation de leur rapport sur l'agriculture et les territoires. (©Terre-net Média)

Faciliter le portage du foncier

Par ailleurs, les notaires considèrent à juste titre que le foncier reste le principal frein à l’installation et à la pérennisation des exploitations. Ils proposent de faire des GFA - groupements fonciers agricoles - un outil élargi du portage du foncier, en ouvrant leurs membres possibles aux personnes morales, « pour permettre l’injection de nouveaux capitaux dans l’agriculture  ». Ceci dit, les notaires sont conscients que la financiarisation de l’agriculture « fait peur à tout le monde ». « Nous proposons de conditionner cette ouverture par l’obligation de conclure un bail de trente ans, d’y insérer des clauses environnementales, et de rendre impossible la faculté pour le bailleur de demander la résiliation du bail pour cause d’urbanisation.

Dans le même esprit, les notaires veulent élargir les bénéficiaires de la subrogation dans l’exercice du droit de préemption du fermier. Actuellement, seuls quelques membres du proche cercle familial peuvent exercer le droit de préemption à la place du fermier. Cette subrogation à ce droit serait élargie hors du cadre familial, à condition notamment que l’usage agricole des terres soit garanti sur le long terme.

Limiter la progressivité de l’impôt, inciter au portage foncier vertueux

Sur le plan fiscal, les notaires suggèrent trois propositions en cohérence avec les enjeux de la transmission et de la consolidation des exploitations. Pour permettre aux agriculteurs de constituer plus facilement des réserves financières, ils proposent de les soumettre à « une imposition forfaitaire à taux réduit » pour les mettre à l’abri du barème progressif de l’impôt sur le revenu.

Pour faciliter le portage du foncier, il conviendrait, selon eux, « d’exonérer totalement de droits de mutation à titre gratuit les personnes physiques ou morales s’engageant dans un portage foncier vertueux. Par ailleurs, depuis 1970, le bail à long terme, associé à un GFA, permet de favoriser la transmission des exploitations en déchargeant l’héritier repreneur du rachat du foncier. « Or, ce couple GFA-bail à long terme se trouve concurrencé par le « pacte Dutreil », plus avantageux fiscalement mais ne permettant pas de dissocier le foncier de l’exploitation. Les notaires souhaitent permettre aux agriculteurs « d’opérer leur choix indépendamment de considérations purement fiscales ».

Quant aux pas de porte, les notaires souhaiteraient voir leur taxation étalée sur la durée du bail, quand ces pas de porte sont assimilés à un complément de loyer. Pour les baux de 30 ans incluant des clauses environnementales et permettant une « sanctuarisation des terres », les notaires proposent de définir « un cas particulier de dépréciation permettant la non-imposition des pas de porte ».

Lors de leur congrès à Cannes, du 27 au 30 mai, les notaires ont bon espoir de trouver une oreille attentive à leurs propositions de la part de leurs invités, au premier rang desquels figure Nicole Belloubet. La Garde des sceaux et ministre de la justice est annoncée pour introduire l’événement. « Nous sommes régulièrement entendus par nos élus. Depuis 1953, nous avons été à l’origine de 87 lois, 17 décrets et 8 ordonnances, notamment. »

Surtout, les propositions des notaires pourraient fortement alimenter les prochains véhicules législatifs qui serviront à réformer l’agriculture, notamment la loi foncière prévue en 2019 pour laquelle la mission parlementaire menée par le député Dominique Potier est en cours, mais aussi le prochain projet de loi de finances, dans lequel le Gouvernement souhaite insérer quelques modifications de la fiscalité agricole .

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