« L’agriculture française devra, en 2050, nourrir 72 millions d’habitants, soit 12 % de plus qu’en 2010 », expliquent les experts de Solagro, un bureau d’études associatif « qui s’est donné pour mission de proposer de nouvelles voies pour l’agriculture ». Mais avec une artificialisation annuelle des sols cultivables comprise entre 60 000 et 70 000 hectares, Solagro présente un scénario – Afterres2050 – qui défend un changement de modèle agricole et alimentaire, sans rupture technologique.
Pour atteindre cet objectif alimentaire, mais aussi répondre à l'enjeu du réchauffement climatique, Solagro estime qu’il est possible de moins mais mieux manger, en privilégiant les protéines végétales. Un choix qui bouleversera complètement le paysage agricole français. Les protéines animales représentent 62 % de nos apports en protéines. Afterres2050 suggère de couvrir nos besoins alimentaires par 62 % de protéines végétales contre seulement 38 % d’origine animale.
Rendement de 53 q/ha en blé en 2050
Pour y parvenir, Solagro prône une plus grande mixité des productions végétales et un allongement des rotations. « Les assolements et rotations des systèmes performants s’étalent sur 7 à 8 ans (donc 7 à 8 productions principales) et les légumineuses couvrent un tiers au moins de l’assolement. »
L’introduction massive de légumineuses et la généralisation de la couverture permanente des sols serait associée au développement de cultures associées sur 20 % des terres arables. Solagro consacrerait par ailleurs 5 % de la SAU aux « infrastructures agro-écologiques arborées, contre 1,7 % aujourd’hui », et 10 % à une agroforesterie « basse densité » pour ne pas pénaliser les rendements de la culture intercalaire.
En termes de rendements, Afterres2050 contrebalancerait la progression des rendements par un développement massif de l’agriculture biologique et la production intégrée. « Globalement, le rendement du blé tendre diminue et arrive à 53 quintaux par hectare en 2050. »
La capacité exportatrice de l’agriculture française ne serait pas totalement remise en cause mais serait, elle aussi, modifiée. Focalisée sur la production de céréales destinées à l’alimentation humaine, la France exporterait beaucoup moins de grains destinés à l’alimentation du bétail, et concentrerait ses exportations de produits destinés à l’alimentation humaine vers les pays du pourtour méditerranéen.
Un cheptel bovin laitier divisé par deux
Afterres2050 envisage une réduction drastique de la consommation de protéines animales, et donc de viandes. Dans son étude, Solagro estime aussi que les besoins en lait seraient divisés par deux. Le cheptel de vaches laitières serait ainsi réduit dans la même proportion, et passerait « de 3,6 millions de têtes à 1,9 million ». « La production de viande associée passe de 730 000 à 370 000 tonnes. »
Fini la spécialisation des exploitations d’élevage. L’élevage français se réorienterait vers des races mixtes, effaçant ainsi d’un trait la production spécialisée de viande. « Les races à viande n’auraient donc finalement été qu’une parenthèse historique », explique même les auteurs de l’étude. Avec la réduction du cheptel bovin, qui passerait de 8 millions de têtes à seulement 2,9 millions, « les émissions de méthane entérique seront divisées par 3 ».
Un scénario défavorable à l’emploi agricole
Selon l’étude, l’agriculture française devrait perdre 123 000 emplois d’ici 2030. Mais Solagro estime que son scénario permettrait de n’en perdre que 50 000. Ce serait donc 73 000 emplois sauvés.
Par contre, avec la baisse de la production d’aliments du bétail et la réorientation des exportations notamment, l’agroalimentaire en perdrait 78 000 ! Pourtant, Solagro estime que son scénario engendrerait un gain net de 148 000 emplois. « Avec des protéines végétales moins chères que celles d’origine animale, l’assiette du consommateur sera plus accessible. Les consommateurs gagneraient ainsi en pouvoir d’achat. »
« Cette hausse du pouvoir d’achat se traduirait par une hausse de la demande dans d’autres secteurs économiques, avec au final un gain net de 144 000 emplois. »