Dans un discours d'une heure environ devant 500 personnes dont des étudiants en filières agricoles, le président de la République a promis « de ne rien lâcher », défendant « la force du modèle français » et plaidant pour une Pac « réinventée », avec une forte dimension environnementale. Il a aussi revendiqué la « souveraineté alimentaire, environnementale et industrielle » pour le continent européen. « On va attendre les actes, mais il semble avoir compris la problématique agricole », a réagi Samuel Vandaele, du syndicat des Jeunes Agriculteurs. Pas du même avis, Marine Le Pen, la présidente du Rassemblement national, a dénoncé « un discours mensonger » du président qui « s'est bien gardé d'expliquer que son grand projet de "Pac ambitieuse" est en totale opposition avec la réforme actuelle portée par Berlin et Bruxelles ».
Cette politique historique est en effet à risque de coupes budgétaires dans le prochain budget pluriannuel de l'UE. Dans une tribune, la liste Les Républicains pour les élections européennes qui se tiendront fin mai, a plaidé samedi pour « un maintien du budget de la Pac ». Présent à Paris, le commissaire européen à l'agriculture, l'irlandais Phil Hogan, a affirmé à l'AFP « partager beaucoup » de la vision d'Emmanuel Macron », en particulier sur la viabilité des agriculteurs, la transition écologique et la modernisation » de la Pac. Emmanuel Macron a ensuite entamé son premier véritable bain de foule depuis le début du mouvement des « gilets jaunes » il y a trois mois. Goûtant l'exercice, il a largement débordé du programme prévu, défendant pied à pied les actions lancées par le gouvernement, comme la loi alimentation censée équilibrer les marges entre agriculteurs, industriels et distributeurs.
« Je ne lâche rien »
Près de 12 heures après son arrivée Porte de Versailles, il serrait toujours des mains par dizaines, encouragé par des « bravos » et « mercis» , dans un parcours interrompu par des sollicitations disparates comme celles d'un retraité handicapé ou d'un éboueur d'origine tunisienne, qui lui ont confié leurs déboires administratifs avant de lui tomber dans les bras en pleurant. À de jeunes agriculteurs, il a assuré: « Je suis le premier à dénoncer les problèmes. Mais il faut que vous, la jeunesse, soyez dans un état d'esprit positif ». Peu après, un éleveur lui offrait un chevreau, Désiré, qui rejoindra les deux poules de l'Elysée accueillies lors du salon 2018. Plus tard, il s'est arrêté pour caresser l'agneau Pelote tendu par un éleveur poitevin. Puis il a promis à des éleveurs des Pyrénées que le gouvernement allait « réguler » de manière « pragmatique » les populations de loups.
À un producteur laitier des Côtes d'Armor, Stéphane Incrédule, qui dénonçait la faible rémunération des éleveurs, M. Macron a répondu : « Je ne lâche rien ». Tombant la veste, il a passé trois-quarts d'heure sur le stand de l'interprofession du lait, écoutant les professionnels lui raconter les difficiles négociations avec la grande distribution et la concurrence extra-européenne.
Détresse morale
Si les agriculteurs français attendent beaucoup de la Pac, ils avaient aussi des revendications immédiates : vivre de leurs productions, investir dans des exploitations plus écolos et ne plus être sans cesse critiqués, ce qu'ils nomment l'agribashing. 85 % des Français ont une bonne opinion des agriculteurs, selon un sondage Odoxa-Dentsu Consulting pour France Info et le Figaro, mais le secteur ne fait pas rêver les jeunes ni les demandeurs d'emploi, alors que la profession manque de bras.
« Je n'ignore rien des difficultés du quotidien » des agriculteurs, « néanmoins les choses sont en train de s'améliorer », a affirmé Emmanuel Macron. Patrick Maurin, élu de Marmande (Lot-et-Garonne), lui a remis un cahier de « doléances » collectées pendant une marche entre Le Touquet, villégiature des Macron, et Paris, exprimant la détresse du monde agricole où un agriculteur se suicide tous les deux jours. Le président a « lu les témoignages » des familles d'agriculteurs qui ont hébergé M. Maurin durant sa marche, a raconté l'élu à l'AFP. « Je lui ai laissé le cahier, et j'espère que l'Elysée leur répondra ».
La crainte de voir des « gilets jaunes » perturber la visite présidentielle ne s'est pas matérialisée. Eric Drouet, une des figures du mouvement, a échoué dans sa tentative d'« approcher » M. Macron et un homme de 32 ans a été éloigné promptement du périmètre présidentiel après avoir brandi un gilet jaune avec l'inscription "oui au RIC", le référendum d'initiative citoyenne. Un autre se disant « gilet jaune tranquille » l'a brièvement intercepté pour lui lancer : « Sortez un peu de votre bulle, monsieur Macron ». Le salon, qui dure neuf jours, attend entre 650 000 et 700 000 visiteurs.