Afin d'y voir plus clair, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a annoncé vouloir lancer une mission de l'Inspection générale des finances (IGF), pour s'assurer notamment que les agriculteurs n'en sortaient pas perdants.
Des coûts qui « évoluent en permanence » « Le coût des matières premières, de production -dont ceux de l'énergie-, de l'emballage, des transports et aussi de la main-d'oeuvre contribuent à la construction du prix », explique à l'AFP Olivier Salomon, associé du cabinet AlixPartners. Ces facteurs « évoluent en permanence », souligne-t-il.
Depuis les fermes des agriculteurs, les produits sont transformés par les industriels, avant d'arriver jusque dans les rayons des supermarchés. Tout au long de cette chaîne, les différents coûts sont « amortis », limitant fortement l'impact des variations sur les prix à la consommation, a indiqué jeudi Philippe Chalmin, président de l'Observatoire de la formation des prix et des marges (OFPM), lors d'une audition à l'Assemblée nationale.
Ainsi, de 9,2% d'augmentation du prix de production agricole en 2021, la hausse ressentie dans les chariots n'a au final été que de 0,6% l'an dernier, souligne l'OFPM, soit moins que l'inflation sur la même période (+1,6%). Reste la difficulté pour chaque acteur d'arriver à se rémunérer.
Marges Pour être bénéficiaires, les distributeurs doivent garder une marge suffisante -la différence entre le prix à la vente et le coût d'achat-, qu'ils peuvent ajuster en fonction du contexte économique.
« Elles varient fortement selon les rayons », explique à l'AFP Yves Marin, associé chez Bartle, un cabinet de conseil.
Selon des données publiées par l'OFPM, les marges sur les produits alimentaires sont souvent faibles (3% pour les fruits et légumes, 0,9% pour les produits laitiers), voire négatives (-0,3% sur la boucherie) pour les enseignes qui les vendent.
Résultat, « la rentabilité nette d'un distributeur est seulement autour de 1,5% sur le chiffre d'affaires total », détaille M. Marin.
Pour M. Salomon, dans un contexte de forte inflation, les enseignes veillent donc surtout à limiter les hausses sur les produits « incontournables, comme le beurre, les céréales ou les yaourts, pour montrer qu'elles font tout pour contenir l'augmentation des prix ».
Négociations annuelles, « lois Egalim »
Chaque année, les industriels et les distributeurs discutent ensemble des prix qui se répercuteront in fine sur le consommateur.
« Le jeu des négociations entre les différents acteurs est là pour veiller à ce qu'il n'y ait pas d'abus » sur les prix, décrypte M. Salomon, même si le système des marges reste « assez opaque ».
Destinées à améliorer les revenus des agriculteurs, les « lois Egalim » obligent les distributeurs à vendre les produits alimentaires au moins 10 % au-dessus du prix auquel ils les ont achetés aux fournisseurs.
Elles encadrent également les promotions - limitées à 34 % sur l'alimentaire - et interdisent les opérations du type « deux produits achetés, un offert ».
Philippe Moati, professeur d'économie à l'Université Paris-Diderot, y voit toutefois des limites : « Ça ne couvre pas tous les produits et on a vu des enseignes "se lâcher" sur leurs marges sur les produits d'hygiène et de beauté pour compenser ».
Enquête
Avec la réouverture des négociations commerciales liée à l'inflation et à la guerre en Ukraine, les passes d'armes entre enseignes et fournisseurs n'ont cessé de se multiplier.
Côté distributeurs, Michel-Edouard Leclerc (E. Leclerc) a fustigé la « surenchère » de certains industriels qui, selon lui, « invoquent l'Ukraine » pour réclamer une hausse des prix à l'achat.
Ces derniers se défendent en pointant du doigt la flambée des coûts de l'énergie, du transport ou encore de l'emballage, pour lequel on observe « 20 à 25% d'augmentation » selon le président de la principale organisation de l'agroalimentaire (Ania) Jean-Philippe André.
M. Marin estime que la mission de l'IGF sera « très compliquée » à mettre en oeuvre face à « la quantité de produits » à contrôler.
Reste aussi pour le gouvernement la difficulté de concilier prix bas pour les consommateurs, préoccupés par leur pouvoir d'achat, et juste rémunération des producteurs.