Entrée en vigueur le 1er janvier 2023, l’assurance récolte réformée se veut plus attractive aux yeux des agriculteurs, avec un taux de subvention à 70 %, et une possibilité d’être indemnisé dès 20 % de pertes. Cette nouvelle formule a permis de faire progresser le taux de pénétration de l’assurance récolte à 24 % en 2023. En 2020, seules 13,3 % des exploitations agricoles françaises étaient assurées.
Avec la réforme, l’objectif du gouvernement est de porter à 60 % les surfaces agricoles assurées en 2030, contre 17 % en 2022. Mais dans les faits, la progression n’est pas linéaire. Ainsi, Groupama, qui avait observé une croissance de 37 % des surfaces assurées en 2023, a enregistré en 2024 un recul de 4 %.
« Cela suggère que des barrières non tarifaires influencent davantage la probabilité de souscription à une assurance agricole », constate Zeineb Cherif, économiste à Chambres d’agriculture France, dans la lettre économique de février.
« Des freins comportementaux significatifs »
Si l’indemnisation par la solidarité nationale, qui baisse à 35 % en 2025 pour les non assurés, pourrait constituer un levier supplémentaire vers la souscription d’assurances récoltes, « des freins comportementaux significatifs » demeurent, explique l’économiste, citant « la complexité administrative des démarches, perçues comme lourdes et chronophages, le manque d’informations et de sensibilisation sur les avantages et les modalités de l’assurance récolte, ainsi que certaines croyances personnelles, une méfiance envers les assureurs et une aversion au changement ».
En parallèle, on observe un phénomène dit « de sélection adverse », « où les agriculteurs les plus exposés aux risques climatiques sont paradoxalement ceux qui s’assurent le moins », rappelle Zeineb Cherif.
Ainsi, en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, le taux de couverture n’est que de 18 %, alors que la probabilité de subir un aléa climatique est de 26 %. A l’inverse, le taux de couverture dans le Grand-Est est de 42 %, alors que les probabilités d’aléas climatiques ne sont que de 2 %.
« Simplification administrative et information »
Dans un article publié en décembre 2024, la Banque de France considère ainsi que les subventions ont peu d’impact sur la demande d’assurance, en particulier pour ceux qui en bénéficieraient le plus, et propose de travailler davantage sur la simplification administrative et à l'information.
Il apparaitrait plus utile de cibler les exploitations plus petites et plus spécialisées, en privilégiant les agriculteurs qui bénéficieraient le plus d’être assurés. « Mettre l’accent sur les frictions cognitives et comportementales pourrait avoir un effet beaucoup plus important sur la souscription d’assurance que des hausses directes des taux de subvention », estime la Banque de France. Si la réforme de la MRC simplifie en partie le processus, mieux comprendre comment les agriculteurs perçoivent réellement l'assurance récolte, les leviers des croyances et de la lisibilité des contrats d’assurance constituent également des pistes de travail.
Cette approche s'avère d’autant plus intéressante que le modèle économique des assureurs est menacé par la répétition des évènements climatiques extrêmes. « Cette situation menace la solvabilité des assureurs et pose un risque de désertification assurantielle », explique Zeineb Cherif. « Il est également essentiel que le gouvernement adopte une approche proactive étant donné que les dommages climatiques sont susceptibles de dépasser les prévisions les plus pessimistes. Sur la période 2020-2023, le coût des sinistres climatiques pour les assureurs est supérieur de 18 % aux prévisions établies en 2021 pour l’horizon 2050… », conclut l’économiste.