À force de débattre au sujet du labour comme s’il s’agissait d’un choix philosophique, on en oublie probablement l’essentiel : l’efficacité. Labour ou non-labour ? Strip-till, semis direct, techniques culturales simplifiées ? À chaque coin de champ, chacun y va de sa vérité. Certains jurent que retourner la terre, c’est respecter l’héritage. D’autres crient au crime écologique dès que la charrue sort du hangar.
Mais au fond, est-ce encore une affaire d’idéologie ? Ou de survie ? Entre rendements qui piquent parfois du nez, prix du GNR toujours trop cher, cours des productions agricoles volatiles, normes environnementales qui s’empilent et aléas climatiques de plus en plus imprévisibles et violents, ce n’est plus une question de croyance, c’est une course d’obstacles permanente. Et face à ces défis, le sol ne semble pas avoir besoin de dogmes. Plutôt de bon sens, d’observation et d’humilité.
Oui, de bon sens ! Le sol n’est ni un tabouret devant un tracteur de 300 ch, ni un totem en forme de semoir direct. Ce n’est pas non plus un plan de communication déguisé en transition agroécologique. Le bon sens, c’est de retrouver un sol vivant, capable d’encaisser les coups durs sans rendre l’âme. C’est une terre qu’on respecte non par principe mais par expérience. Finalement, le vrai scandale, ce n’est pas de labourer ou pas. C’est de continuer à le faire comme avant, sans jamais remettre ses pratiques en question. Le sol se meurt là où on l’épuise, qu’on le retourne ou non. Alors rester figé, c’est reculer. Il est temps d’en finir avec les guerres de tranchées. De cesser de se battre à coups de certitudes pendant que les vers de terre désertent nos parcelles !
Le vrai progrès ne serait-il pas plutôt de ne plus avoir peur ? Peur d’essayer, de se tromper, de réajuster. Ne serait-ce pas plutôt d’oser l’agilité, dans un monde où les équilibres sont fragiles et les solutions jamais figées ? C’est du moins la réflexion à laquelle le « Dossier » de ce numéro de Terre-net Le Magazine espère vous conduire. Si seulement il pouvait bousculer un peu… Parce qu’à vouloir labourer les champs, on en oublie trop souvent de se retourner les idées !