Terre-net : L’USDA a publié son dernier rapport mercredi 12 octobre. Qu’en retenez-vous ?
Didier Nedelec : Le rapport USDA ne révèle pas grand-chose de nouveau. On le sait, les stocks et la production, que ce soit en céréales ou en oléagineux sont importants. Ce que je retiens, c’est que la plupart des acteurs font une « photographie à plat » des marchés, alors qu’il faudrait la faire en volumes. Car il faut bien regarder où sont ces productions et où sont ces stocks.
Terre-net : Que voulez-vous dire ?
Didier Nedelec : D’une part, la Chine doit être analysée à part du reste du marché car le pays détient l’essentiel du stock de blé et surtout de maïs. Ce sont des volumes qui ne sont pas disponibles pour le marché. Et le pays, également très gros producteur de céréales, n’est pas positionné pour exporter sa production.
Si, dans notre analyse, on met de côté la Chine, on se rend compte que la hausse de la production mondiale ne fait que suivre celle de la demande mondiale. Et par conséquent, nous n’avons pas du tout une situation tendue sur les marchés.
Terre-net : Il y a pourtant, hors Europe, une excellente récolte dans les principaux pays producteurs !
Didier Nedelec : Oui c’est vrai. Mais ce n’est qu’une analyse « à froid ». D’un point de vue logistique, seulement deux grandes régions vont approvisionner le reste du monde. D’abord la zone Mer noire qui va fournir du blé, de l’orge et un peu de maïs. Et ensuite le Golfe du Mexique, porte d’export des Etats-Unis, qui fournira tout le soja mondial et quasiment tout le maïs mondial. Et c’est tout !
L’approvisionnement du monde va se faire sur ces deux zones. Ça multiplie d’autant plus les facteurs d’insécurité du marché que ce ne sont pas les deux zones les plus calmes de la planète. Le Golfe du Mexique est régulièrement frappé d’aléas climatiques dévastateurs voire meurtriers, en témoigne la situation à Haïti. Par ailleurs, la zone Mer noire, entourée de l’Ukraine, la Russie et la Turquie, n’est pas dans un climat géopolitique très apaisé.
Terre-net : Qu’en est-il de la demande ?
Didier Nedelec : Quand on regarde les achats en cours des principaux importateurs, on se rend compte que l’Algérie est en train d’acheter son approvisionnement pour le mois de novembre. L’Egypte est à peu près dans la même situation. Cela veut dire que les niveaux de couverture de ces pays sont très faibles.
Terre-net : Qu’en déduisez-vous ?
Didier Nedelec : J’en déduis que le marché reste fragile car il repose sur des risques qui ne sont pas intégrés dans les prix. Mais l’intégration de ces risques va arriver. Les prix des céréales ne sont actuellement pas justifiés par rapport à la situation du marché et un potentiel de hausse de 10 ou 20 €/t dans les prochaines semaines est beaucoup plus plausible qu’un potentiel de baisse.
Terre-net : Que conseillez-vous aux producteurs ?
Didier Nedelec : Plus encore cette année que les précédentes, la stratégie des producteurs dépend de leurs besoins en trésorerie. Certes, la moisson a été catastrophique. Mais tout lot de blé a son propre prix. Il n’y a pas de blé invendable ! Des lots de blés que certains considéraient comme invendables à cause de la qualité partent aujourd’hui à 140 €/t départ ferme, alors que des très beaux blés s’échangeaient 115 €/t en février dernier. Dans ce contexte, nous recommandons à nos producteurs d’attendre, si, évidemment, ils le peuvent.
