Compiler les différentes techniques mises en œuvre par les agriculteurs dans une démarche d’abandon du glyphosate pour nourrir le conseil, telle est la mission dans laquelle se sont lancées les équipes d’Inrae avec le projet Tagaïda*, initié en décembre 2021 et qui arrive bientôt à son terme.
"Traque aux innovations"
Elles se sont appuyées sur l’analyse fine des pratiques de 36 agriculteurs déjà engagés dans cette transition, à travers une "traque aux innovations". « Substitution simple du glyphosate, adaptation du système pour limiter le travail du sol et les herbicides, gestion par les couverts d'interculture, reconception grâce à l'élevage... : les solutions mises en place sur le terrain sont diverses », expliquent Mathilde Dionisi et Marie-Hélène Jeuffroy d’Inrae.
À partir de toutes les données recueillies, les équipes ont créé « un guide interactif qui entend aider les agriculteurs à identifier les combinaisons de pratiques possibles pour la gestion des adventices sans glyphosate, en fonction des profils et des contraintes des exploitations (agronomiques, économiques...) ».
Cinq logiques d'actions globales
Les équipes détaillent les typologiques des cinq groupes de logiques d'actions identifiés :
- le premier, où les producteurs font reposer leurs pratiques sur « une substitution simple du glyphosate : recours au labour, qui remplace l’usage du glyphosate en interculture par un travail du sol, complété par une utilisation fréquente du désherbage chimique et/ou désherbage mécanique » ;
- « le deuxième groupe adapte la séquence culturale (par exemple intégration de couverts végétaux et/ou de cultures de printemps) et le travail du sol, en fonction des adventices présentes sur les parcelles. Les systèmes de culture et logiques d’action élémentaires mobilisés par ces agriculteurs sont flexibles et adaptables en fonction du salissement observé. Les producteurs de ce groupe passent donc beaucoup de temps dans les champs pour observer le salissement » ;
- « les agriculteurs du troisième groupe ont reconçu leur système de culture pour limiter le travail du sol et le désherbage chimique. Cette reconception passe notamment par l’implantation de couverts d’interculture, détruits grâce à un travail du sol, par une bonne gestion de l’implantation des cultures pour favoriser une levée rapide, et une gestion des flux de semences d’adventices, pour limiter la contamination des parcelles. Au contraire des producteurs du deuxième groupe, qui adaptent en continu leur séquence culturale en fonction de leurs observations de salissement, les séquences de culture sont assez rigides. »
- « les agriculteurs du quatrième groupe ont reconçu leurs systèmes pour se passer du glyphosate et du désherbage chimique, et du travail du sol chaque fois que possible. Ils s’appuient pour cela sur la compétitivité des cultures, des séquences culturales longues et la systématisation des couverts d’interculture. Aucun producteur ne mobilise les logiques d’actions "travail du sol en interculture non couverte" et "gestion chimique" » ;
- « enfin, le cinquième groupe est composé d’agriculteurs en polyculture-élevage bio, qui avaient auparavant pratiqué des systèmes conventionnels avec travail du sol réduit (TCS ou semis direct) et se sont convertis en agriculture biologique. Cette conversion a été rendue possible par la présence d’élevage, permettant un passage en prairie en cas de salissement important et une reprise plus ou moins importante du travail du sol, en particulier pour la destruction des prairies. Bien qu’ayant réintroduit un travail du sol plus ou moins profond, ces agriculteurs ont généralement conservé, de leur précédent système en semis direct ou TCS, une séquence culturale diversifiée (avec une médiane de 6,5 cultures dans les séquences culturales recensées), et continuent d'accorder une attention particulière à l’implantation des couverts d’interculture pour favoriser leur levée rapide » ;
*Trajectoires d’abandon du glyphosate par des agriculteurs innovants, pour leur déploiement en agriculture.
