Reste-t-il encore des freins à la réutilisation des eaux usées en agriculture ?

Irrigation dans un champ
La REUT, une solution pour l'irrigation en agriculture, à certaines conditions. (©Ulrich Müller, Adobe Stock)

Face à la récurrence du stress hydrique et à la nécessité d’optimiser au plus vite la ressource en eau, Emmanuel Macron a lancé fin mars un plan Eau, décliné depuis en une cinquantaine de mesures. Faciliter la réutilisation des eaux usées traitées (REUT) en fait partie. Un premier décret, relatif aux usages et aux conditions d’utilisation des eaux de pluie et des eaux usées traitées a ainsi été publié fin août, d’autres textes sont attendus d’ici la fin de l’année, notamment pour préciser les usages en agriculture.

Cette eau usée traitée pourrait servir à l’irrigation, à des usages de voirie par les communes, mais elle peut également être suffisamment filtrée pour être de nouveau potable. Par ailleurs, elle pourrait aussi être destinée au rechargement de certaines nappes phréatiques, par exemple près de la mer, où lorsque l’on pompe trop d’eau, le biseau salé remonte, menaçant l’eau douce des nappes, mais aussi les sols cultivés du territoire.

REUT en France : un retard lié à la réglementation

Si le plan Eau fixe l’objectif de REUT à 10 % (contre à peine 1 % aujourd’hui), d’autres pays européens sont plus avancés en la matière, l’Italie avoisinant les 9 % et l’Espagne 14 %. Malgré un décret devant faciliter la REUT il y a trois ans, cet usage n’a pas connu jusqu’ici d’accélération notable. Et pourtant, « la REUT, c’est simple, tous les groupes savent le faire, c’est une solution que l’on pousse depuis longtemps », indique Philippe Carrio, président du Synteau, syndicat des concepteurs et constructeurs du traitement de l’eau. Mais les freins réglementaires restaient jusqu’alors trop importants : études préalables, autorisation soumise à l’ARS, durée d’autorisation de cinq ans seulement, soit un temps trop court pour se lancer sereinement dans des investissements lourds, sans vision de la rentabilité potentielle. Le décret d’août 2023 lève cependant cette restriction de cinq ans, explique le Synteau.

Les arrêtés préfectoraux doivent paraître d’ici la fin de l’année. « On espère que ça restera applicable et que ce ne sera pas un nouveau frein », alerte Antoine Legrand, directeur commercial de Sources, constructeur d’installations de traitement des eaux. La crainte porte sur deux éléments : les normes chiffrées, et la fréquence et le nombre d’analyses demandées. Car si pour certains usages, par exemple l’irrigation en maraîchage, où l’on est sur des produits qui vont ensuite être mangés directement par l’homme, il est important de mettre en place des normes plus élevées que pour l’eau destinée aux cultures fourragères, « il faut une réalité scientifique », insiste Antoine Legrand, qui redoute un principe de précaution « trop précautionneux ».

La localisation des stations d’épuration, un frein potentiel

Un autre frein potentiel est lié à la localisation des stations d’épuration. À certains endroits, l’eau rejetée par les stations d’épuration alimente les cours d’eau et reste donc nécessaire pour maintenir le débit d’étiage. Elle ne pourrait donc pas être réutilisée.

De même, se pose la question, pour une station d’épuration isolée, du transport de l’eau traitée, par exemple pour l’irrigation. « Pour de petites quantités, par exemple un usage de voirie, on pourrait passer par des camions citernes, mais pour l’agriculture, il faudrait une logique de réseau », c’est-à-dire une infrastructure et des investissements supplémentaires, explique Antoine Legrand.

Si la REUT ne sera pas possible partout, ni pour tous les usages, le potentiel reste important et les savoir-faire sont présents. La réglementation à venir sera sans doute déterminante pour atteindre l’objectif de 10 % de REUT d’ici 2030, et le millier de projets de réutilisation que le Gouvernement souhaite développer sur l’ensemble du territoire d’ici 2027.

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