« La Commission européenne a fait le choix de se défausser de sa responsabilité sur les États membres. La nouvelle architecture proposée, sous couvert de simplification, nous mènera vers une renationalisation de la Pac où la Commission se contentera de fixer des grands objectifs environnementaux, chaque État membre pouvant y parvenir comme il l'entend. Cela conduira irrémédiablement vers des distorsions de concurrence entre les agriculteurs en fonction de leurs règles nationales », a réagi l'eurodéputée française Angélique Delahaye, suite à l'annonce par Phil Hogan de la proposition de la commission européenne sur la réforme de la Pac.
Pour son homologue Michel Dantin, le constat est le même : « Tel que je le présentais depuis quelques jours, c'est une "programmation technocratique verdie à l'extrême" fondée sur des stratégies nationales potentiellement divergentes qui est proposée par la Commission européenne. »
Notamment, les mesures de verdissement, auparavant bloquées à 30 %, seront désormais réformées en "éco-dispositif" et pourraient varier de 0 à 100 % des aides directes selon les États membres. « À terme, les agriculteurs européens risquent de se livrer à une guerre des prix dont les gagnants seront les producteurs des pays tiers bénéficiant des ouvertures des marchés », précise Angélique Delahaye, membre de la commission de l'agriculture. Michel Dantin complète : « L'intégration des enjeux environnementaux et climatiques se fait en dépit du bon sens, dans une logique de surcoûts et de surenchères, alors que les revenus agricoles ont chuté ces dernières années et que les agriculteurs vont prendre de plein fouet la baisse annoncée du budget agricole : la direction assumée est "faire plus avec moins", alors que seule la durabilité économique des exploitations peut permettre des avancées significatives en matière environnementale et climatique. »
Une proposition « à retravailler »
Angélique Delahaye, ayant porté le texte en commission de l'environnement en avril dernier, annonce que « le Parlement s'est prononcé cette semaine pour le maintien du budget de la Pac et pour une réforme ambitieuse excluant la renationalisation ». Après la publication, les trois propositions de règlement devront être amendées par les députés de la commission agriculture puis adoptées en séance plénière pour être finalement négociées lors de trilogue avec le Conseil de l'UE et la Commission européenne. Cependant, « le processus législatif sera contraint par l'échéance des élections européennes de mai 2019 », précise Angélique Delahaye. Il s’agit donc de parvenir au mieux à un vote en commission, le travail devant être continué sous la mandature suivante.
Les députés ont bien l'intention de faire entendre leur voix. Michel Dantin déclare à ce propos que « le Parlement européen devra prendre toute sa part dans la réforme qui débute, incarner une vraie ambition politique pour l'agriculture européenne et rétablir la Pac dans ses trois aspects les plus consubstantiels ». Angélique Delahaye ajoute : « la proposition de la Commission doit être retravaillée, elle ne donne pas de vision politique de long terme et s'arrête à des considérations bureaucratiques et administratives. »
Michel Dantin explique : « Si je me réjouis de certaines avancées sur les aspects économiques (mise en place de programmes opérationnels sectoriels et réforme de la réserve de crise), elles restent trop timides pour réellement répondre aux enjeux de volatilité des prix et des aléas au sein du marché unique". » Aussi, « la vision au sein du groupe PPE est claire : la Pac doit rester commune pour accompagner les agriculteurs vers la double performance économique et environnementale afin de garantir la souveraineté alimentaire de l'UE. C'est mon combat au Parlement européen et c'est en ce sens que je travaillerai avec mes collègues dans les prochains mois », conclut Angélique Delahaye, elle-même agricultrice en Indre-et-Loire.