L’Union des industriels de la fertilisation, Unifa, organisait le 12 juin son assemblée générale. Le contexte politique a impacté le programme de l’événement : Agnès Pannier Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture, a annulé son intervention, en raison de son devoir de réserve, à 18 jours des élections législatives. Quant à Jérémy Decerle, ancien président des Jeunes agriculteurs, il devait intervenir au titre de son mandat d’eurodéputé, mais a perdu son siège lors des élections du 9 juin.
L’Unifa avait tout de même réuni autour de la table Delphine Guey, sa présidente, ainsi que les représentants de fédérations professionnelles : Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, Franck Laborde, président de l’association générale des producteurs de maïs et Franck Sander, président de la confédération générale des planteurs de betteraves. Au programme des débats : la fertilisation associée. « Associer différentes technologies de la fertilisation permet une interaction du microbiote racinaire et une meilleure assimilation des éléments nutritifs, a introduit Delphine Guey. Cela permet d’améliorer les performances agronomiques, environnementales et économiques des exploitations ».
La fertilisation associée doit faire ses preuves pour convaincre
Pour Arnaud Rousseau, si la fertilisation et la santé du sol sont des questions importantes pour les agriculteurs, elles ne sont, pour le moment, pas prioritaires : « ils se demandent comment leur métier va être appréhendé dans les semaines à venir, compte tenu des chamboulements politiques. Ils sont préoccupés par les aléas climatiques, qui n’ont épargné aucune région, ni aucun secteur. Pour qu’ils s’engagent sur la fertilisation associée, il va falloir leur en prouver l’efficacité. Nous allons avoir besoin d’indicateurs, de références, d’éléments de mesures pour assurer le retour sur investissement. »
Un point de vue partagé par Franck Sander, qui estime que pour le moment, « on ne perçoit pas encore les effets positifs d’une telle pratique sur les rendements ». « S’il y a vraiment création de valeur, alors les agriculteurs s’en saisiront, considère pour sa part Franck Laborde. La fertilisation doit permettre la décarbonation, car c’est sur ce terrain que nous serons attendus. » Le président de l’AGPM a invité les firmes d’engrais à travailler « en bonne intelligence avec Arvalis, pour construire des références ».
Le chaulage, une piste pour réduire les émissions de N2O
L’Unifa estime que le chaulage est une piste prometteuse pour décarboner la production agricole. « Une étude de l’Inrae réalisée en 2019 par Catherine Henault avance qu’en amendant le sol pour qu’il atteigne un PH de 6,8, les émissions de protoxydes d’azote pourraient être réduites de moitié », détaille Delphine Guey.
Mais côté marché des amendements, la tendance est à la baisse depuis 2012. Les ventes atteignent 3 millions de tonnes en 2023. « Or pour atteindre l’objectif d’un ph du sol de 6,8 partout en France, il faudrait commercialiser 20 millions de tonnes par an », confie Luc Charrier, président de la section amendements minéraux basiques de l’Unifa.
« Mais qui paie ? » renchérit Arnaud Rousseau, qui rappelle que les producteurs subissent une hausse des coûts de production. En betterave et en maïs, la fertilisation représente déjà un quart des charges de l’agriculteur. « Ce que j’attends de l’Unifa, c’est l’innovation, mais aussi l’investissement dans l’industrie en France et en Europe », conclut le président de la FNSEA.
Les ventes d’engrais en forte baisse en 2023
Si la politique a pesé sur l’assemblée générale de l’Unifa, les tendances économiques n’ont pas amélioré l’ambiance. Les mauvais résultats enregistrés lors de la campagne 2022-2023 se font ressentir : les engrais azotés ont enregistré un repli de 10,5 % par rapport à 2021-2022, les engrais phosphatés reculent de 36,1 % et le potassium de 44,6 %.
« En 2023, nous avons ressenti le contrecoup de 2022, qui était une excellente année » pointe Michaël Lepelley, directeur marketing pour Yara France. La firme norvégienne a dégagé un bénéfice net de 54 millions d’euros, soit un cinquantième de son résultat 2022, à 2,8 milliards d’euros. « Les résultats de la campagne nous obligent à reconsidérer notre participation aux salons et à réduire nos plans médias », ajoute le directeur commercial.
Le marché des biostimulants n’est pas épargné
« La campagne d’achat en engrais azotés a repris début mai et la demande est soutenue, pointe cependant Renaud Bernardi, président de la section engrais azotés de l’Unifa. Les prix sont également en hausse depuis début mai. Mais ce qui va déterminer les achats, ce sont les moissons et donc les résultats des agriculteurs. »
Les biostimulants subissent également le contexte délétère. « La saison est difficile pour tout le monde, nous n’y échappons pas, reconnaît Jean-François Ducret, président de la section biostimulant. Certaines régions viticoles sont particulièrement touchées par la baisse des achats des biostimulants. Pour autant, les taux d’utilisation demeurent en hausse. »
L’hiver et le printemps 2024, particulièrement humides, pourraient être défavorables au secteur, les biostimulants étant souvent associés au stress hydrique. « Mais face à l’excès d’eau, les biostimulants peuvent être un atout, ajoute Jean-François Ducret. Ils permettent une levée plus rapide en cas de semis tardif, et un meilleur enracinement. » Un point de vue partagé par Romain Richard, chef de marché biostimulants pour Corteva : « Le contexte météorologique permet de mettre en lumière les biostimulants. Les agriculteurs sont de plus en plus nombreux à penser à ces solutions et à nous interroger sur nos offres lorsqu’ils subissent un aléa climatique ». Corteva vient d’intégrer l’Unifa, tout comme Frayssinet.