Le Pacte Dutreil est un dispositif permettant de donner des entreprises sans les démanteler. Aux termes de l’article 787 B du code général des impôts, les transmissions de parts ou actions de sociétés réalisant une activité agricole (1), qui font l’objet d’un pacte Dutreil sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit à concurrence de 75 % de leur valeur. Le bénéfice de dispositif est subordonné au respect de trois conditions principales :
- Les titres concernés doivent faire l’objet d’un engagement collectif de conservation de deux ans minimum et représentés un certain pourcentage de droits dans la société ;
- Les héritiers, donataires ou légataires doivent prendre chacun l’engagement individuel de conserver les parts ou actions pendant quatre ans à compter de l’expiration de l’engagement collectif ;
- Et, durant la phase d’engagement collectif et pendant trois ans à compter de la transmission, l’une des personnes engagées doit exercer soit une fonction de direction si la société est à l’IS, soit son activité professionnelle principale si la société relève de l’IR.
L’article 40 de la loi de finances pour 2019 apporte des modifications substantielles à ce dispositif attractif mais exigeant. Voici les principales avancées :
1. Abaissement des seuils minimum de détention
L’engagement collectif, d’une durée minimale de deux ans, qui doit précéder la transmission, devait jusqu’à présent porter sur au moins 34 % des parts sociales ou actions. A compter du 1er janvier 2019, le seuil est abaissé à 17 % concernant les droits financiers. En revanche, les droits de vote doivent toujours représenter au moins 34 %.
2. Extension de l’engagement réputé acquis
L’engagement réputé acquis par l’effet de la loi lorsque les héritiers ou les donataires qui reçoivent des titres sociaux bénéficient de l’exonération partielle alors même que leur auteur n’avait pas pris la précaution de conclure avant son décès ledit engagement collectif écrit.
Ainsi, les héritiers ou donataires entrent dès la donation ou la succession directement dans la phase des engagements individuels de conservation. La loi de finances étend ce principe aux couples de concubins notoires. Comme pour les époux et les partenaires Pacsés, le seuil de détention peut s’apprécier globalement.
Il est également possible désormais d’appliquer le dispositif de l’engagement réputé acquis aux transmissions de sociétés « interposées ». Il s’agit des sociétés qui, sans exercer elles-mêmes une activité éligible, détiennent des titres dans les structures exerçant ces activités (2).
3. Une ouverture aux EARL unipersonnelles
L’associé unique (par exemple l’associé d’une EARL) peut désormais conclure un engagement collectif pour lui et ses ayants-cause à titre gratuit. Cette évolution était réclamée par la doctrine. Cette même faculté est reconnue à l’associé qui détiendrait, à lui seul un nombre de parts correspondant aux seuils minimums, même dans une société pluripersonnelle.
4. De la souplesse pour les holdings ?
Si l’on peut se féliciter de certaines avancées concernant l’application du régime de faveur aux holdings, certaines modifications mériteraient quelques éclaircissements et nécessitent une attention toute particulière.
Au titre des avancées attendues, figure la possibilité de faire apports des titres transmis au cours de l’engagement collectif de conservation à une holding. La seconde avancée concerne l’objet et la composition du patrimoine de la holding. Aussi, il n’est désormais plus exigé que celle-ci ait pour objet exclusif la détention de titres de participations.
De même, à l’issue de l’apport et jusqu’au terme des engagements de conservation, la valeur réelle de l’actif brut de la holding doit être composée à plus de 50 % de participations dans la société dont les titres ont bénéficié du régime de faveur lors de la transmission. La holding peut donc avoir une autre activité dès lors que le seuil de 50 % est respecté. Celui-ci s’apprécie par référence à la valeur vénale réelle desdites participations et des autres actifs détenus. Cette nouvelle mesure appelle donc une vigilance toute particulière liée à l’éventuelle fluctuation dans le temps des valeurs des différents actifs de la holding.
Concernant l’identité des membres de la holding, il suffit désormais que 75 % du capital et des droits de vote soient détenus par les bénéficiaires de la transmission et les signataires du pacte (3). Ainsi, à concurrence de 25 %, le capital est ouvert à des associés autres qui peut notamment être une personne morale.
Autre nouveauté : l’apport de titres d’une société « interposée » détenant directement les titres de la société objet du pacte, est admis.
5. Cession de titres en cours d’engagement
A noter enfin que la cession ou la donation des titres en cours d’engagement collectif à un autre associé signataire du Pacte ne remet plus en cause l’intégralité de l’exonération partielle, mais seulement à hauteur de la fraction des titres cédés ou donnés.
(1) Mais aussi une activité industrielle, commerciale, artisanale ou libérale.
(2) Idem note précédente.
(3) Il existe des divergences d’interprétation sur ce seuil.
Auteur : Florence Durand, avocat au cabinet Terrésa, membre d’AgirAgri