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Concernant la financiarisation croissante du marché des terres agricoles en France, elle est due au développement d'un « marché des parts de société » qui « devrait se développer à l'avenir », selon Loic Jegouzo, ingénieur au bureau d'études de la FNSafer à Paris. « Il s'agit d'un marché non régulé de 1,1 milliard d'euros par an » a-t-il dit. Le foncier agricole est de plus en plus propriété de personnes morales, qu'il s'agisse de sociétés agricoles d'exploitation ou de sociétés d'investisseurs extérieurs, selon le bilan de la FNSafer. Dans le premier cas, il s'agit d'un phénomène vertueux pour favoriser notamment la transmission d'exploitations de parents à enfants. Dans le second cas, il s'agit d'accaparement de biens ruraux par des sociétés qui bénéficient ainsi de défiscalisations sans aucune transparence, selon les Safer. Ce phénomène « accélère la concentration des terres agricoles » et il va s'accentuer à partir de 2020-2030, puisqu'un tiers des paysans doivent partir en retraite durant cette période, ce qui risque de provoquer un afflux de foncier sur le marché.
« Rénover la législation »
Contrairement à l'agriculture paysanne française qui s'est historiquement développée sur le modèle de la ferme familiale propriétaire de ses terres, « il y a une distance de plus en plus forte entre le capital et le travail » et une « diminution du nombre de chefs d'exploitation », selon les Safer. Emmanuel Hyest a proposé des mesures à mettre en place dans le cadre de la future loi sur le foncier agricole, dont l'examen au Parlement pourrait commencer avant fin 2019 selon lui. « Il y a urgence à rénover la législation » a-t-il dit. Il souhaite notamment que le foncier agricole « soit placé sous la protection de la Nation », c'est-à-dire que la puissance publique contrôle mieux, réduise ou supprime les commissions administratives de déclassement de zones agricoles en terres à bâtir. Il souhaite un guichet unique pour réguler le marché, car aujourd'hui « seuls les plus riches ont accès à la terre ou à l'agrandissement ». « Il faut un accès équitable ». Les Safer qui ont un droit historique de préemption des terres agricoles se retrouvent souvent contournées par le système des cessions de parts sociales, qui a permis notamment à des investisseurs chinois de mettre la main sur des terres à blé dans l'Indre et l'Allier. Le cédant a vendu 99 % des parts, permettant d'éviter le recours de la Safer. Enfin, les Safer imaginent aussi des outils de portage du terrain au service de l'installation de jeunes agriculteurs. « Un des premiers problèmes du Brexit pour les Britanniques a été de se demander comment ils allaient s'alimenter quand ils se sont rendu compte qu'ils importaient 70 % de leur alimentation. La possession de la terre par les agriculteurs est un problème d'autonomie alimentaire », a estimé Emmanuel Hyest.