La proposition de loi de la majorité, dont l'objectif est de mieux réguler l'accès au foncier agricole par l'intermédiaire de sociétés, a été adoptée par le Parlement la nuit dernière, par un ultime vote de l'Assemblée nationale. Cette loi portant d’urgence est « une initiative courageuse et innovante en ce sens », qui « contribuera à rétablir l’équité et l’équilibre de la régulation foncière », puisque les mesures décidées en Commission mixte paritaire le 1er décembre visent à « garantir la transparence, le contrôle et l’orientation du marché sociétaire », se réjouit la Safer, qui « salue le travail des parlementaires et le soutien du gouvernement ».
Vers une régulation foncière plus équitable, transparente et mieux contrôlée.
« Il s’agit d’une étape importante, et même historique, pour limiter la concentration des exploitations et l'accaparement des terres, et relancer l’installation agricole », insiste l'organisme qui, depuis 2017, veut lutter contre « une régulation foncière à deux vitesses », résultant de « montages sociétaires remettant en cause l’efficacité des politiques en la matière, au détriment de l’installation, de l’agriculture familiale et de la vitalité des territoires ruraux ». Ces quatre dernières années, selon la Safer, les mutations sociétaires ont continué d'augmenter, s'élevant à 1,2 Mds€ sur un marché foncier agricole total de 5 Mds€.
Sur un marché foncier de 5 Mds€ : 1,2 Mds€ pour les mutations sociétaires.
« Libérer des terres pour les jeunes agriculteurs »
« Alors que de nombreuses terres vont être libérées dans les 10 prochaines années − les agriculteurs âgés de plus de 55 ans exploitent un quart de la surface agricole −, il était urgent d’agir », souligne l'organisation. La proposition de loi prévoit l'instauration d'un contrôle administratif via les préfets. « Les Safer auront un rôle important à jouer pour instruire les dossiers, donner des avis à l’autorité administrative en vue de sa prise de décision (acceptation, refus, ou demande de modifications), et le cas échéant, intervenir dans la mise en œuvre des compensations ». Elles pourront exercer leur droit de préemption si le prix de vente est considéré comme excessif.
Avec les départs massifs en retraite, il était urgent d'agir !
« Ce contrôle, et c’est un point essentiel, permettra la libération de terres au titre des compensations pour installer davantage d’agriculteurs/agricultrices », et ainsi renouveler plus facilement les générations. Il peut aussi servir à « conforter la surface d'un exploitant pour qu'il parvienne au seuil de viabilité économique fixé par le SDREA (schéma directeur régional des exploitations agricoles). « Aujourd’hui, du fait de la concentration de foncier au sein de structures sociétaires, nombreux sont les jeunes agriculteurs et les porteurs de projet que les Safer ne parviennent pas à satisfaire », constate en effet l'organisme, qui s'interroge cependant sur la mise en place de ce nouveau système, « notamment sur la complexité de la procédure et les curseurs qui seront appliqués ».
Un outil national, pour toutes filières, à long terme (10-30 ans)
Pour favoriser également l'installation, hors cadre familial en particulier, les Safer ont présenté début décembre, pendant leur congrès, un nouveau fonds de portage de foncier à long terme. L'aboutissement de plusieurs années de travail avec le syndicat Jeunes Agriculteurs et, plus récemment, avec le ministère de l’agriculture. Des dispositifs existent déjà dans certaines régions et départements, mais ils ne sont pas assez répandus. Là, il s'agit d'un outil national, pour toutes les filières et sur long terme : 10 à 30 ans. Comme au niveau local, sa finalité est d'aider les futurs installés, qui n'en ont pas les moyens, à louer des terres via un bail rural en attendant de pouvoir les acheter, ou pas. Cet achat devant s'effectuant au prix du marché, sans surcoût, mais pendant la durée du portage.
Une condition : 70 % des demandes devront être orientées vers la préservation de l'environnement : l'agroécologie, le bio, la HVE, l'agriculture de conservation des sols, l'agroforesterie, etc. Des engagements, notifiés dans un cahier des charges et valables 30 ans. 65 millions d’euros sur cinq ans devraient être affectés à ce fonds. Lequel sera dédié à 80 % à l’installation, dont 50 % pour les projets hors cadre familial. Les autres 20 % sont réservés au maintien des fermiers en place pour limiter le démantèlement des exploitations afin qu'elles restent transmissibles.
Le fonds de portage sera géré par la société Citizen Capital, constituée en 2008 pour rassembler du capital en faveur d'actions sociétales et environnementales. Celle-ci achètera aussi les terres et apportera des garanties aux investisseurs (les Safer elles-mêmes, les banques, les assureurs, les collectivités, et peut-être par la suite des citoyens). Elle validera également les dossiers proposés par la Safer. Le taux de rentabilité − 1,5 % minimum − variera selon les productions, à l'image du prix des terres et de la pression foncière, jusqu'à ce que 80 % du fonds soit attribué. La Safer envisage 150 à 200 portages d'ici 2027 pour un lancement du dispositif en début d'année prochaine.