Les négociations du Ttip ont commencé il y a plus d’un an. Elles se tiennent sous forme de réunions qui ont lieu alternativement aux Etats-Unis et dans l’Union européenne.
La septième ronde de négociations vient de s’achever dans le Maryland, aux Etats-Unis, tandis que la Commission européenne est en cours de renouvellement et que l’échéance des élections de mi-mandat se rapproche aux Etats-Unis (renouvellement d’une partie du Congrès le 4 novembre). Parallèlement, la société civile fait entendre ses craintes, en particulier sur le registre des normes, volet important des négociations du Ttip, et continue à reprocher à ces négociations un certain manque de transparence. Les réponses des politiques à ces reproches sont nombreuses mais pas toujours audibles.
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Une priorité politique, un levier de croissance réaffirmé
La priorité politique de ce partenariat reste forte avec la nouvelle Commission européenne. Et pour cause, les Etats-Unis sont le principal partenaire économique de l’UE, bien loin devant les autres régions du monde avec lesquelles de nombreuses autres négociations bilatérales sont engagées (1).
Notons que pour les Etats-Unis en revanche, le Transpacific partnership (Tpp), négociations multilatérales avec divers pays de la zone pacifique, représente un marché d’échanges et d’investissements avec un potentiel de croissance bien plus élevé que le Ttip.
Le Ttip est l’une des dix priorités politiques (2) de l’agenda du nouveau président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, comme cela a été rappelé dans le bilan de la septième ronde de négociations (3). Cecilia Malmström, la prochaine Commissaire désignée au commerce, a présenté ses priorités pour le Ttip lors de son audition par le Parlement européen le 29 septembre (4). Pour elle, ce partenariat a un fort potentiel en termes d’emploi et de croissance.
De même, une représentante du Conseil économique et social européen (Cese) s’est exprimée à la Maison de l’Europe le 23 septembre à Paris (5), présentant le rapport du Cese sur le Ttip daté de juin 2014. Elle a rappelé que ces négociations se tiennent dans un contexte de crise économique et que l’UE a de fortes attentes en matière de regain de croissance. Globalement, le Cese considère que les opportunités sont plus importantes que les menaces dans ces négociations.
Craintes pour la société civile
Normes et réglementation
Les organisations non gouvernementales dénoncent une certaine opacité des négociations, et craignent que le résultat de ces négociations ne soient aux dépens des citoyens. Elles redoutent également l’abaissement du niveau des normes et celle de la capacité à réglementer pour les Etats (6) : par exemple, que l’Union européenne ne soit obligée d’autoriser la vente de produits alimentaires non sûrs et non respectueux de l’environnement.
Une attaque des plus virulente a l’encontre du Ttip vient de l’organisation Attac, exprimée lors d’une conférence organisée à la Maison de l’Europe à Paris le 23 septembre, opposé par principe à ces négociations qui représenteraient « le plus haut niveau de libéralisation possible, où il est question de baisser les barrières réglementaires derrière les barrières tarifaires ». C’est la remise en question des normes qui fait ici l’objet des craintes, Attac considérant que le Ttip vise la fusion des systèmes normatifs, ce qui est pour lui « une attaque contre les principes démocratiques ». Plus modéré, le Cese (Conseil économique et social européen) est ouvert au système de reconnaissance mutuelle, vers lequel les négociateurs semblent se diriger dans certains domaines, considérant qu’il tient compte des spécificités de chacun.
Enfin, les principales pierres d’achoppement demeurent, et certaines concernent les sujets agricoles et agroalimentaires (Ogm, viande aux hormones, poulet traité au chlore), que le Cese considère comme « intouchables ». Au final, les postures sont crispées car on touche à des sujets de société.
Développement durable
En ce qui le concerne, le Cese est plus sensible aux sujets liés au développement durable, et en particulier le respect des droits sociaux et environnementaux. Pour lui, un chapitre sur le développement durable où apparaissent les questions sociales et environnementales est une obligation pour obtenir un accord.
Réponse des politiques : plus de transparence, fermeté sur les normes
Transparence
Le site de la Commission européenne dédié au Ttip s’étoffe régulièrement de nouveaux documents explicatifs des enjeux et de l’état d’avancement des négociations : il est en français ici même s’il contient encore certains documents en anglais, non traduits. Le mandat de négociations du TTIP, daté de juin 2013, vient d’être rendu public. Il est disponible ici.
La communication sur les réseaux sociaux reste vive, en particulier sur Twitter avec une infographie simple et facile à comprendre, sur le schéma : « info ou intox » pour mieux comprendre le Ttip diffusé par EU TTIP team. Le site de Toute l’Europe propose quant à lui un point de situation très utile, sous forme d’infographie, sur le Ttip.
Dans son audition par le Parlement européen, la nouvelle Commissaire au commerce Cecilia Malmström s’est engagée en faveur de la transparence autour des négociations. Elle publiera des listes avec des réunions avec les parties prenantes, qu’elle entend réunir plus souvent.
Karel De Gucht, prédécesseur de Cécilia Malmström, a répondu point par point aux principales critiques et craintes formulées à propos du Ttip lors d’un récent discours. Répondant aux critiques sur l’opacité des négociations, il a rappelé que le public était concerné au premier chef par le Ttip, à travers les représentants des citoyens européens élus au Parlement européen (PE). En effet le PE aura le mot de la fin sur cet accord, qu’il devra valider pour qu’il soit mis en place. M. De Gucht a indiqué que le public était aussi consulté directement : trois consultations publiques ont été réalisées en amont des négociations, et un dialogue avec les parties prenantes et les organisations de la société civile (monde des affaires, organisations représentant les consommateurs par exemple) a lieu à chaque ronde de négociation. Un groupe consultatif d’experts a été composé, représentant de nombreux intérêts (droit du travail, environnement, santé, droits des consommateurs, monde des affaires entre autres), et ayant accès aux textes des négociations.
Normes
Mme Malmström a affirmé qu’il n’y aura pas d’abaissement des normes, ni de capacité à réguler, et que cet accord reposera sur les bases des règles internationales. Sur les questions réglementaires, Karel De Gucht a démenti que l’UE soit prête à réduire le niveau des normes, et a affirmé que les travaux du Ttip portent sur des secteurs où les normes américaines et européennes sont très proches, citant les secteurs de l’automobile ou du médicament par exemple où pourraient être appliqué le principe de reconnaissance mutuelle. Par contre, il a aussi indiqué que lorsque cette voie était impossible en cas d’approches réglementaires, il n’y aura pas de modification réglementaire, citant le cas des aliments produits à partir d’Ogm et de viande de bœuf produite à l’aide d’hormones.