La dotation pour investissement (DPI) était bien installée dans les exploitations viticoles et d’élevage. Elle apportait une vraie réponse au financement des stocks à rotation lente des petites et moyennes entreprises de ces secteurs, qui ont de forts besoins en fonds de roulement. Mais Bruxelles avait le dispositif dans le viseur. Paris a donc décidé de revenir au dispositif antérieur de blocage de la valeur des stocks à rotation lente, via l’article 58 de la loi de finances pour 2019. Une décision qui ne contrebalancera pas la perte de la DPI, d’autant que le mécanisme est conditionné au respect du règlement européen dit « des aides de minimis agricoles » qui plafonne pour l’instant le montant total des aides octroyées à 20 000 € sur 3 exercices fiscaux glissants (1).
Encore des incertitudes
Le dispositif est ouvert aux exploitants individuels et sociétés agricoles imposés à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricoles (BA), selon un régime réel, normal ou simplifié. Il permet de neutraliser l’impact fiscal des augmentations de valeur constatées à l’occasion des inventaires annuels, sur leurs bénéfices imposables. L’imposition de la croissance de valeur des stocks est simplement différée à l’exercice de revente des stocks visés par le dispositif.
Le dispositif semble viser tous types de produits agricoles à rotation lente, qu’il s’agisse de productions végétales ou d’animaux. La durée du cycle de rotation n’étant cependant pas précisée par le texte, cette précision est attendue dans les futurs commentaires administratifs à paraître. L’ancien mécanisme, applicable jusqu’en 2005, visait, lui, les stocks de plus d’un an.
Une option pour 5 ans
La valeur des stocks à rotation lente peut, sur option expresse, être bloquée jusqu’à leur vente à la valeur retenue à la clôture de l’exercice précédant l’option pour le dispositif de blocage. Le mécanisme permet donc, pour les exploitants qui évaluent leurs stocks au coût de revient effectif, de ne pas prendre en compte les dépenses d’entretien et de conservation dans la valorisation des stocks à partir des exercices couverts par l’option.
Ces dépenses sont immédiatement déductibles du bénéfice imposable, comme par exemple les frais de vinification, de stockage, de vieillissement et de mise en bouteilles des viticulteurs.
Le dispositif devrait permettre d’éviter que l’inventaire comptable annuel de leurs stocks n’ait un quelconque impact sur leur bénéfice imposable. Le blocage de leur valeur suppose néanmoins un suivi précis des valeurs d’entrée des différents produits et animaux comptabilisés en stocks, ainsi que de leur date d’entrée et de sortie.
L’option pour ce dispositif de blocage de la valeur des stocks doit être formulée dans le délai de déclaration des résultats du premier exercice auquel elle s’applique, à partir du 1er janvier 2019. Elle est souscrite pour une durée de 5 ans et se renouvelle tacitement par périodes quinquennales, sauf dénonciation.
Des incompatibilités
Le mécanisme de blocage de la valeur des stocks est compatible avec la déduction pour épargne de précaution (DEP) applicable aux exercices clos à compter du 1er janvier 2019. En revanche, il n’est pas possible d’opter pour ce dispositif en cas d’option en cours à la moyenne triennale (art. 75-0 B du CGI), et réciproquement. De même, le dispositif est exclusif de l’étalement des revenus exceptionnels (article 75-0 A du CGI).
(1) Le 21 février 2019, le plafond d’aide des minimis est passé de 15 000 euros maximum sur 3 ans à 20 000 €. Les Etats membres qui le souhaitent peuvent relever le plafond à 25 000 € en respectant certaines conditions.
Auteur: Christophe Tichadou, expert-comptable associé du cabinet Alliance-Mozaïk, membre d'AgirAgri.