Terre-net : Depuis le chapitre surmédiatisé du barrage de Sivens, le dossier de la gestion de l’eau pour l’agriculture semble au point mort. Qu’en est-il ?
Eric Frétillère : C’est vrai, le dossier du barrage de Sivens s’est surtout joué sur une bataille médiatique. Et certaines organisations, notamment les zadistes qui ne connaissent pas les enjeux de l’eau, ont été plus fortes en termes de communication que la profession agricole. Au sein d’Irrigants de France, notre dossier prioritaire reste le développement d’une politique de stockage. Je veux mener une campagne de communication sur ce sujet pour vraiment expliquer aux citoyens et aux élus que retenir l’eau en hiver pour l’utiliser de manière responsable en été, quand nous en avons besoin, cela paraît d’abord une évidence.
Par rapport aux enjeux climatiques, la Cop 21 a mis en exergue le fait que les températures vont grimper, mais que les volumes d’eau disponibles seront plus aléatoires selon les saisons. Nous aurons plus d’eau en hiver, et encore moins en été. Stocker l’eau pour la gérer efficacement apparaîtra d’autant plus indispensable à l’avenir.
Terre-net : Vous-même, êtes-vous confronté à des difficultés d’irrigation ?
Eric Frétillère : Je suis installé sur une exploitation de 100 ha en monoculture de maïs. J’ai la chance de disposer de deux retenues, construites en 1989 et 1993. Ces retenues d’eau sont si bien intégrées au paysage que j’y ai développé des activités touristiques, comme la pêche et des pédalos - en complément des deux gîtes que j’exploite à proximité. Surtout, mes retenues d’eau constituent la meilleure assurance que je puisse avoir.
Terre-net : Qu’en est-il de l’application de la loi sur l’eau ?
Eric Frétillère : En 2016, la loi sur l’eau et les milieux aquatiques aura dix ans. Un point d’étape de son application est prévu. Auparavant gérée au niveau départemental, la politique de l’eau est conduite désormais par bassin versant, ce qui va dans le bon sens. Le bassin versant de la Dordogne s’étend sur sept départements ! Cette nouvelle gestion territorialisée n’est pas sans causer des difficultés, notamment avec les services de l’Etat. Il reste beaucoup de travail. Il n’y a toujours pas, par exemple, de répertoire précis des irrigants et des volumes attribués, pour chaque bassin.
L’année 2016 est très importante car les autorisations uniques pluriannuelles, débouchant sur les volumes accordés à chaque irrigants, vont être revues. L’enjeu est d’autant plus important qu’il reste difficile de négocier des volumes de prélèvement compatibles avec nos besoins.
Terre-net : Le 1er janvier 2016, les tarifs réglementés de vente d’électricité ont disparu pour certains professionnels, et notamment pour les irrigants. Cette ouverture de la concurrence sur le marché de l’énergie a-t-il eu des effets positifs pour vous ?
Eric Frétillère : Effectivement, depuis le 1er janvier, EDF n’a plus le monopole de la fourniture d’énergie. Pendant plus d’un an, Irrigants de France a fait un énorme travail pour accompagner les agriculteurs, en leur proposant un recueil des offres des différents fournisseurs. Beaucoup d’irrigants ont changé d’opérateur. Certains, qui rechargent leur réserve en hiver, ont aussi besoin d’un tarif adapté en période hivernal. Pour eux, certaines offres n’étaient pas adaptées.
Nous devons désormais suivre le niveau de consommation et les factures qui suivront. Difficile, pour l’heure de dresser un premier bilan et de dire si l’ouverture à la concurrence est bénéfique en termes de facture énergétique.
Terre-net : Dans l’optique des élections présidentielles de 2017, que demandez-vous aux candidats et, parmi eux, à celui qui gouvernera la France jusqu’en 2022 ?
Eric Frétillère : Que les dossiers avancent ! En juin 2013, avant d’être nommé ministre de l’environnement, le député Philippe Martin avait rendu un rapport sur la gestion quantitative de l’eau en agriculture. Pour une fois, ce rapport allait dans le bon sens. Il y avait des choses intéressantes, dans le sens de nos revendications.
Or, depuis qu’il a été remplacé par Ségolène Royal, plus rien. Le rapport est parti aux oubliettes. La question de la création de nouvelles retenues, même de dimensions modestes, se heurte à de nombreux points de blocage, notamment sur leur financement et leur emplacement. Cela reste très compliqué de faire comprendre aux élus que des réserves sont nécessaires dans les zones les plus déficitaires en eau, et non près des grandes voies d’eau. En attendant, il ne faut pas s’attendre à des avancées concrètes en 2016.