Avant une période de rouissage fortement arrosée, les conditions climatiques printanières ont été peu propices au développement du lin fibre cette campagne. Elle a démarré avec « des semis relativement tardifs, réalisés fin avril-début mai, entre les gouttes et sous un climat frais », rappelle Nicolas Fransure, directeur de Lin 2000. Basée à Grandvilliers (Oise), la coopérative, qui regroupe 4 800 ha de production, compte 50 % de ses surfaces dans le département isarien, 25 % dans la Somme et les 25 % restants sont répartis entre la Seine-Maritime, la Seine-et-Marne, les Yvelines et l’Aisne.
« Du jamais-vu dans le secteur »
« Ensuite, on a eu un temps sec et du vent d’Est pendant près de quatre semaines. L’impact aurait pu être moins catastrophique pour les lins, mais le coup de chaud en juin est venu stopper leur développement. En effet, la culture peut pousser entre 5 et 28 °C. Au-delà de cette température, elle arrête de faire de la végétation et se met à fleurir », souligne le directeur. Aujourd’hui, « on se retrouve donc avec des fibres courtes. Les lins mesurent entre 45 et 55 cm, au lieu des 90-100 cm habituels ».
Ce qui impacte évidemment aussi le rendement, estimé entre 2 et 3 t de paille/ha. « On espère approcher les 3 t, mais il est encore trop tôt pour se prononcer. 2001 et 2011 avaient été des mauvaises années, mais là c’est « du jamais-vu » dans le secteur. Habituellement, le rendement tourne plutôt autour des 6-7 t/ha », précise Nicolas Fransure, pour qui « le changement climatique pénalise la culture du lin ».
Le constat est similaire chez Christophe B., agriculteur dans la Somme et @agritof80 sur Twitter, qui décrit la campagne 2023 comme sa « pire récolte de lin textile ». Le rendement est divisé par trois chez lui « par rapport à une bonne récolte ».
#AgroNeverStops
— ChristopheB. (@agritof80) August 13, 2023
Sous un ciel menaçant, pressage de ce qui est ma pire récolte de lin textile.
Cumul de :
Semis tardif par un temps froid et pluvieux
Difficulté pour contrôler les altises (insectes ravageurs)
Temps venteux et sec lors de la période de la croissance. 😕#FrAgTwpic.twitter.com/dwPNFz4ntr
« Le marché se porte plutôt correctement »
Les lins d’hiver sont moins coutumiers de ces soucis. « Un semis fin septembre-début octobre leur permet de limiter les impacts du stress hydrique et/ou des fortes chaleurs, avec un développement qui se concentre essentiellement sur les mois d’avril et de mai. Cette année, les rendements vont de 7 à 10 t/ha », indique Nicolas Fransure.
Lin 2000 envisage donc de favoriser cette espèce « dans les secteurs au climat plus continental, situés globalement à l'est de l'axe Amiens-Beauvais ». « Le lin d'hiver pourrait ainsi concerner 25 % des surfaces l'an prochain ». La coopérative ne compte, toutefois, « pas baisser les bras » pour autant avec le lin de printemps, malgré plusieurs années compliquées. Si on arrive assez facilement à faire du rendement en lin d’hiver car son cycle est plus long, la qualité n’est, par contre, pas la même que celle des lins de printemps. De plus, « le marché se porte plutôt correctement en ce moment », ajoute le directeur de la coopérative.
Comme plusieurs autres acteurs du lin fibre, Lin 2000 s'intéresse également au chanvre, avec 25 ha d'essais lancés cette campagne pour la filière textile. « Le lin n'aime pas beaucoup le changement climatique, le chanvre, lui, s'en accommode. Il a moins de besoins en eau », souligne Nicolas Fransure. La coopérative espère multiplier par 4 les surfaces l'année prochaine et a d'ailleurs investi dans une machine de récolte spécialisée, avec trois autres coopératives des Hauts-de-France. La suite des étapes peut être réalisée dans les teillages de lin existants.