Les prévisions pour 2022-2023 estiment la production mondiale de maïs à 1,19 Mdt, soit un recul de 13 Mt par rapport à la campagne précédente. C’est du moins ce qu’a indiqué le Conseil international des céréales (IGC), en avril dernier. Selon le groupe intergouvernemental, la baisse sera liée à des contre-performances attendues en Ukraine et aux États-Unis, respectivement sixième et premier producteurs mondiaux. En cause, la guerre qui sévit à l’Est depuis dix mois et qui devrait considérablement faire baisser les surfaces emblavées, et de mauvaises conditions climatiques Outre-Atlantique qui vont peser sur les rendements.
Pour rappel, le maïs est la première céréale produite dans le monde. D’après les dernières estimations du cabinet d’UkrAgroConsult, les exports ukrainiens culmineraient à 30 Mt, soit tout de même 5 Mt de plus que sur la campagne 2021- 2022. Des prévisions qui s’appuient sur une production attendue à 27 Mt pour la campagne 2022-2023 (42,11 Mt sur la précédente campagne), un chiffre « à considérer avec prudence », car la guerre et l’hiver imminent font peser « des risques sur la récolte», souligne Marc Zribi, responsable de l’unité Grains et sucre de FranceAgriMer.
Sans compter que les agriculteurs seront peut-être contraints de laisser du maïs sur pied si le coût du séchage dépasse le gain lié à sa commercialisation. Pour l’heure, les producteurs ne sont pas pressés de récolter. Ils attendent que leur maïs sèche naturellement, « pour économiser des frais de séchage élevés», a tweeté le trader Oleg Levchenko. D’après le ministère ukrainien de l’agriculture, la récolte de maïs était réalisée à 27 % au 31 octobre, sur 1,13 Mha, avec un rendement moyen de 5,54 t/ha.
Des pics de chaleur aux conséquences lourdes
La production de semences a également souffert de la sécheresse et ceci quel que soit le bassin de production. La sole française est restée quasiment stable en 2022 (84 570 ha de semences de maïs hybrides semées et 3 520 ha de semences de base), mais Pierre Pagès, président de la FNPSMS, estime que « le résultat devrait se situer entre 70 et 75 % des objectifs de production initiaux ». Un résultat technique inédit en France, sans doute le plus faible de l’histoire du réseau national (en pourcentage d’atteinte technique des objectifs de production).
En cause, les conditions climatiques de la campagne bien sûr. Durant les semis, elles ont été globalement bonnes, bien que sèches, parfois, et ayant nécessité d’irriguer précocement. Mais des épisodes de grêle survenus courant juin ont entraîné la destruction de près de 1 500 ha, notamment dans le Sud-Ouest. Enfin, les pics de chaleur successifs de fin juin à fin août ont fortement touché le développement des organes reproducteurs et la fécondation. En production de semences, un pic de chaleur à plus de 35 °C pendant deux jours consécutifs en période de méiose ou de pleine floraison entraîne des effets délétères sur les organes reproducteurs. La viabilité du pollen se détériore, causant des avortements de grain.
Or dans le courant du mois de juillet, certaines zones de production ont enregistré jusqu’à 24 jours à plus de 35 °C, avec des pics à plus de 40 °C. Celui du 10 au 18 juillet, notamment, est survenu lors de la floraison dans la plupart des zones de production. Inutile de préciser que les restrictions d’arrosage, voire les interdictions, ont empêché de soutenir les ETP allant jusqu’à 10 mm/jour. Résultat : le développement du maïs et le remplissage des épis s’en sont trouvés pénalisés.
Le maïs dans l’alimentation humaine
Environ 20 % de la production mondiale de maïs est utilisé directement pour l’alimentation humaine, soit environ 162 Mt. Il constitue l’aliment de base dans de nombreuses régions et nourrit près de 1,2 Md d’êtres humains, principalement en Amérique latine et en Afrique. Sous forme de farine, il est consommé dans des bouillies ou des galettes, ce qui représente entre 15 et 20 % des calories journalières dans plus de 20 pays en voie de développement. Sur les autres continents, seuls 2 à 3 % de la production est utilisé directement.
Environ 1 Mha de maïs doux (Zea mays saccharata) sont cultivés dans le monde pour le consommer tel un légume. 9 Mt, principalement produites en 2022, soit une hausse de 4 % par rapport à 2021 selon les chiffres de l’USDA. Une valeur supérieure à celle attendue par le marché, qui espérait, selon Reuters, 35,8 Mha. Mécaniquement, la surface de maïs régresse de 4 % sur la même période, à 36,2 Mha, chiffre quant à lui sous les attentes du marché, qui tablait plutôt sur 37,2 Mha. Traduit en production, l’année 2021 a connu un record avec 120,8 Mt de soja, soit 5 % de plus que 2020. Les rendements record dans 21 États ont permis à la moyenne d’atteindre 34,6 q/ha. C’est le second résultat le plus élevé jamais enregistré.
Le soja contient 40 % de protéines, ce qui fait le bonheur des végétariens, car rares sont les plantes en contenant autant, exception faite des microalgues, telles la spiruline et la chlorelle, encore plus riches. Parmi les légumineuses, c’est le soja le plus riche. Autre avantage : huit acides aminés essentiels ayant une capacité d’assimilation lors de la digestion sont contenus dans ses protéines. La valeur est aussi élevée que celle des protéines animales de l’œuf assimilables par l’organisme. En plus d’une composition en acides aminés intéressante, la graine de soja présente une bonne teneur en lysine, comme souvent pour les légumineuses, mais peu de méthionine.
Des critères de choix variétal pour réussir son maïs
La sélection variétale semble stratégique pour moderniser la culture du maïs. Elle est déterminante à la fois en termes de potentiel de rendement atteignable dans le créneau climatique disponible (rendement, précocité) mais aussi pour garantir des caractéristiques permettant d’atteindre l’objectif, avec plus ou moins de sécurité (tolérance aux stress, maladies…). L’agriculteur doit choisir la bonne variété, avec des semences de qualité s’il souhaite garder les atouts entre ses mains.
Adapter les types de maïs aux défis spécifiques des exploitations agricoles s’avère donc indispensable, en mettant en place des stratégies en vue de contourner les problèmes liés aux changements climatiques. La tolérance à la sécheresse, par exemple, devient de plus en plus importante dans de nombreux endroits, car la culture devrait produire de bons rendements même là où l’irrigation est difficile. Les obtenteurs ont d’ailleurs concentré leurs travaux d’amélioration sur ce critère tant la plante est sensible aux variations pendant la floraison.
C’est la phase cruciale pour le rendement à venir. Afin de faire face aux pénuries d’eau pendant les phases de croissance clés du maïs, la date de semis peut être avancée. Ceci nécessite cependant des variétés hybrides qui soient davantage robustes pendant les premiers stades de croissance, et qui tolèrent une germination plus lente, liée au temps plus froid. La vigueur constitue donc également un critère clé. Sans oublier la tolérance aux maladies et aux ravageurs. Rendements élevés, qualité supérieure, mais aussi santé des plantes… Seuls des plants sains et stables pourront produire davantage et améliorer le résultat économique.
Des progrès considérables
Les désavantages structurels, sociaux, et les coûts de production demeureront toujours plus élevés. L’innovation semble être une réponse pour ne pas voir la taille des exploitations fleurter avec les 10 000 ha, quand la moyenne des fermes françaises se situe entre 125 et 130 ha. Sécurité alimentaire, traçabilité, respect environnemental… la France devrait soutenir ses productions – en particulier dans le contexte actuel de souveraineté alimentaire – plutôt que d’importer toujours plus de produits non soumis aux mêmes réglementations. La maïsiculture a, en outre, accompli des progrès considérables. Les rendements nationaux sont parmi les plus élevés sur la planète, autour de 100 q/ha, soit trois fois plus qu’il y a cinquante ans et presque deux fois plus que les performances brésiliennes et chinoises.
Autre avancée : l’efficience en eau. En l’espace de vingt ans, la France a gagné 30 % de productivité sur l’irrigation. Bien que la culture soit souvent stigmatisée par les écologistes, l’associant systématiquement à un usage massif d’eau, pour produire 1 kg de maïs grain, seuls 454 l (238 l pour du maïs fourrage) s’avèrent nécessaires. Ce qui place le maïs parmi les plantes les plus économes en eau (ceci par comparaison aux 590 l indispensables pour le blé, aux 900 l du soja et aux 1 600 à 5 000 l du riz).
La plante connaît deux phases critiques face au stress hydrique durant son cycle végétatif : du stade « fin montaison » jusqu’à la floraison femelle et, quinze jours plus tard, au remplissage des grains. Dans les sols qui retiennent le moins l’humidité, l’évapotranspiration pendant ces deux périodes peut atteindre 6 mm par jour, et donc rendre nécessaire l’apport de 18 à 20 mm d’eau tous les trois jours. Outre les pivots et enrouleurs, la dernière décennie a vu apparaître et se développer deux nouvelles techniques d’irrigation : le goutte-à-goutte de surface et le goutte-à-goutte enterré. Ces systèmes de micro-irrigation promettent jusqu’à 80 % d’économie d’énergie et près de 30 % d’économie d’eau, les pertes par évaporation se montrant limitées et la pénétration de l’eau dans le sol optimisée. Sans compter qu’à l’échelle mondiale, produire du maïs est le plus souvent pratiqué sans irrigation. En France, par exemple, seulement 25 % des 3 Mha de maïs cultivés sont arrosés.