Pour alléger leur facture, Romain Paudoie, spécialiste de la vente de pièces détachées agricoles à Evron, en Mayenne, conseille aux agriculteurs de privilégier d’autres consommables que ceux des constructeurs. « Nous, on travaille avec la marque Armorine. Pour le même type d’huile, le coût au litre est beaucoup moins élevé que si vous allez à la concession. Pour la filtration, on travaille avec des marques comme HiFi. Au lieu de la pièce d’origine, nos clients peuvent aussi mettre de la pièce adaptable neuve, par exemple un démarreur, des rétroviseurs, des radiateurs… Toute pièce adaptable est garantie pendant un an », indique-t-il.
« Un constructeur de matériel ne fabrique pas de roulement par exemple, il se fournit forcément chez quelqu’un et, souvent, c’est le même fournisseur qui propose de la pièce adaptable », reconnaît, sous couvert d’anonymat, le salarié d’une concession. « L’adaptable va répondre à un cahier des charges, mais il va venir de n’importe où, prévient cependant Rodolphe Perdereau, responsable marketing digital chez Promodis (groupement d’achats coopératifs disposant d’un réseau de 130 concessionnaires indépendants).
Attention tout de même, l'adaptable n’est pas de la pièce origine, aussi bien dans les dimensions que dans la qualité. Ça va se monter sur la machine, mais l’épaisseur, la longueur peuvent être différentes. Il peut y avoir un écart au niveau des entraxes. Chez Promodis, on y fait attention. Et, si logiquement, l’adaptable doit être moins cher, parfois, on organise une foire aux pièces d’usure et le prix des pièces origine est très proche de celui de l’adaptable. »
Gabin Drilhole, qui travaille chez le concessionnaire Case IH J. Seby & Fils SAS, précise quant à lui qu’il n’utilise pas de pièces adaptables, sauf pour les autres marques et lorsqu’il sait qu’il ne pourra pas se fournir chez son constructeur. « J’ai eu de mauvaises surprises, déclare-t-il. Je ne pense pas que ce soit une généralité, mais c’est vrai que j’évite les pièces adaptables. Pour certaines, il n’y a aucun risque. Pour les alternateurs, par exemple, ça dépend des modèles, il y a des séries très sensibles à l’électronique et là, il faut exclusivement de la pièce d’origine. Sur les vieux tracteurs, on peut aller davantage sur de l’adaptable, surtout que bien souvent, la pièce d’origine n’est plus fabriquée. »
De l'origine pour préserver les performances et la garantie de l'outil
« On vend de l’origine, on vend de l’adaptable, on vend aussi du carbure. Notre discours évolue selon l’utilisation. L’un ne va pas contre l’autre, c’est toujours lié à des besoins, à une demande du client. Mais il faut se dire que l’origine est parfaitement adaptée pour conserver les performances de la machine et sa garantie », précise Rodolphe Perdereau. « Est-ce que ça vaut le coup de payer une pièce carbure quatre à cinq fois plus cher ?, interroge en outre Alexandre Richard, agriculteur en Indre-et-Loire, et fondateur de Prodealcenter. Moi qui ai des terres usantes, je m’y retrouve avec des pièces adaptables, car même si les pièces au carbure ne s’usent que quatre fois moins vite, le fait de changer les boulons, d'y passer du temps... pour moi, c’est rentable. »
En complément des magasins de pièces détachées présents au plus près du monde agricole, le commerce en ligne tisse sa toile et tente de réduire la distance en se rapprochant de sa cible. Alexandre Richard, de Prodealcenter, y travaille via les réseaux sociaux. Sa chaîne YouTube compte plus de 73 000 abonnés. En plus du quotidien de l’entreprise et de l’exploitation, il y présente des démonstrations de matériel, des remises en état, des conseils d’entretien ou pour des tutos pour changer des pièces. Il est également présent sur Facebook et Instagram. Un bon moyen d’instaurer un lien avec sa clientèle et de se démarquer de la concurrence. Une dizaine d’autres boutiques en ligne se sont imposées sur le marché. On y trouve principalement des pièces adaptables.
Les constructeurs contre-attaquent
Face à l’offre de pièces d’occasion et adaptables, les constructeurs cherchent la parade. John Deere propose ses « Alternatives » avec la promesse d’un prix compétitif, d’un processus de certification et d’une parfaite adaptation aux machines ne subissant pas un usage intensif. Chez Claas, on avance la « Silver Line », destinée aux engins de récolte et tracteurs de plus de 10 ans. « Une gamme de pièces qui restent de très bonne qualité, souligne Steven Coroller, mais avec un cahier des charges moins strict permettant de les obtenir à un tarif compétitif tout en ayant la qualité attendue, puisque ça reste des pièces validées par nos ingénieurs, pour des conditions d’utilisation moins extrêmes. »
Comme autre piste d’économie proposée par le constructeur allemand, il évoque les offres « Repair » et « Reman » : « Dans le cadre du programme Reman, on expédie tout de suite une pièce remanufacturée, en moyenne 20 à 30 % moins cher qu’une neuve, à la réception de la pièce défectueuse. Ce n’est pas la pièce du client, mais une pièce qu’on a déjà en stock qui a fait l’objet d’un reconditionnement. Le Repair, c’est la pièce du client que l’on répare. Il y a un délai d’attente, mais c’est moins onéreux parce qu’il n’y a pas de gestion de stock. C’est 45 à 50 % moins cher que la pièce neuve. C’est pertinent sur des pièces électroniques ou hydrauliques. »