Après deux semaines de blocages de routes et d'actions parfois tumultueuses, les manifestants ont levé le camp début février après trois salves d'annonces de Gabriel Attal sur des sujets aussi divers que les produits phytosanitaires, les retraites des exploitants ou la viande de synthèse.
Le patron du syndicat agricole majoritaire FNSEA, Arnaud Rousseau, a prévenu : « Si finalement on n'était pas considérés, ou si tout ça n'était qu'un feu de paille, on remettra le couvert. » Il y aura bien avant le salon, qui démarre le 24 février, un « moment de vérité » où « on montre des résultats », assure à l'AFP une source au sein de l'exécutif.
Réunions quasi-quotidiennes, chaînes de mails et boucles de messages : aux ministères de l'agriculture et de la transition écologique, et dans une moindre mesure aux ministères de l'économie et du travail, les conseillers tentent de concrétiser les quatre pages d'annonces récapitulées le 1er février.
Marc Fesneau, qui a depuis jeudi une ministre déléguée, Agnès Pannier-Runacher, et Christophe Béchu doivent travailler ensemble. « Ça ne veut pas dire qu'on est d'accord sur tout, mais on n'est pas dans un jeu de posture, où on veut marquer des points », assure-t-on dans l'entourage du premier.
Lignes rouges
Des divergences d'approche peuvent exister mais, dit-on au cabinet de Christophe Béchu, la logique est : « la conclusion est donnée, maintenant expliquez nous comment on fait. » Un point sur l'avancée des travaux est prévu toutes les semaines à Matignon.
Des sujets sont faciles à régler, comme le décret facilitant le curage des cours d'eau agricole publié le 1er février. D'autres promesses sont plus techniques, comme l'harmonisation de toutes les réglementations sur les haies. Le travail « est beaucoup plus lourd car il faut articuler trois réglementations, sur l'urbanisme, l'environnement et la politique agricole commune », fait valoir un conseiller de Marc Fesneau.
Le remaniement du projet de loi agricole, en préparation depuis plusieurs mois mais qui doit intégrer finalement beaucoup plus de dispositions que prévu, est aussi soumis au temps politique. « On ne part pas de rien » mais il faut de nouveau consulter, rédiger l'exposé des motifs, le faire examiner par le Conseil d'Etat puis qu'il soit inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale et du Sénat, remarque le cabinet du ministre de l'Agriculture.
L'objectif est qu'il passe dans les deux chambres d'ici juin et qu'on puisse « obtenir une commission mixte paritaire dans cet horizon-là », a indiqué Marc Fesneau lors d'une audition mercredi.
« On a tous entendu la détresse du monde agricole, on a tous intérêt à montrer qu'on y répond, sans forcément être tous d'accord sur les réponses », affirme un conseiller. Les préfets sont aussi mobilisés dans le cadre d'un « mois de la simplification », le gouvernement les invitant notamment à scruter tout arrêté préfectoral pouvant être abrogé ou rendu moins complexe.
A Bruxelles, le gouvernement est plus dans la négociation. Ébranlée par des manifestations d'agriculteurs dans plusieurs pays européens, la Commission européenne a déjà donné plusieurs gages en urgence, limitant les importations agricoles ukrainiennes et promettant d'assouplir les obligations de jachères.
Mais une proposition sur ce dernier sujet vendredi n'a pas abouti, illustration du difficile équilibre à trouver entre des États voulant maintenir des protections environnementales suffisantes et ceux partisans de flexibilité accrue pour les agriculteurs.
Lors d'un comité d'experts représentant les États membres, la majorité qualifiée n'a pas été atteinte. Selon un porte-parole de la Commission, cette dernière pourra réviser sa proposition ou adopter le texte initial.
Pour un nouveau règlement sur l'étiquetage ou sur la création d'une force de contrôle sur la concurrence déloyale en agriculture aux frontières de l'UE, il faudra peut-être attendre le parlement issu des élections européennes, en juin. Voire la prochaine Commission attendue à l'automne.
Déjà la Fédération nationale bovine, réunie en Congrès mercredi et jeudi, s'est plainte d'un manque de visibilité. « Les éleveurs ont été sidérés par un ministre qui (lors d'une intervention vidéo, NDLR) a survolé les sujets en n'apportant que de très maigres explications sur la concrétisation des engagements, et en semant le doute par le flou sur l'ensemble d'autres points! », écrit l'organisation dans un communiqué vendredi.