« La guerre agricole menace chaque jour un peu plus, il est temps d’agir », a rappelé Annie Genevard devant les représentants des différents maillons de la chaîne alimentaire réunis à Rungis le 8 décembre. Pour la ministre de l’agriculture, ce « Grand Réveil » est d’autant plus urgent que dans un contexte de fortes tensions géopolitiques, l’arme alimentaire reste « l’arme suprême pour asservir les peuples ».
Or, la France devrait connaître, pour la première fois depuis cinquante ans, une balance commerciale agricole et agroalimentaire négative. « On produit moins et on importe plus : la France, première puissance agricole de l’Union européenne, a sous les yeux la marque de son déclassement », a insisté la ministre.
Un état des forces peu glorieux
Et dans cette guerre commerciale, la France souffre de plusieurs désavantages. Premièrement, l’érosion des facteurs de production, avec un renouvellement des générations à accélérer, l’artificialisation des terres qui, bien que stabilisée, a fait perdre un certain nombre d’hectares agricoles, et des rendements qui stagnent.
En parallèle, les prix restent soumis à une volatilité inédite, quand le poids des charges s’avère toujours plus lourd, alors que le changement climatique et ses aléas affectent de plus en plus fréquemment le travail agricole.
Ne pas se réveiller trop tard
Face à ce constat, l’objectif des conférences de la souveraineté alimentaire, qui vont se dérouler sur l’ensemble du territoire dans les prochains mois, en réunissant tous les acteurs concernés, est « d’imaginer les conditions d’un nouveau pacte entre la Nation et les agriculteurs », permettant d’assurer « la capacité de produire, de transformer et de distribuer les denrées nécessaires à une alimentation saine et durable pour tous », rappelle Annie Genevard.
Cette dernière a ainsi évoqué, côté producteur, la possibilité de remettre à plat « le système fiscal agricole » pour poursuivre le travail engagé sur la baisse des charges. L’allègement de la réglementation doit aussi concerner les transformateurs, « fierté française » trop peu reconnue, que la ministre refuse d’affaiblir avec des « alourdissements de fiscalité ». Annie Genevard entend également « conserver une distribution française faite d’implantations physiques ».
Protéger, innover, rémunérer
La ministre de l’agriculture promet quant à elle d’œuvrer sur plusieurs axes. En premier lieu, la protection, notamment dans le cadre des négociations de l’accord de libre-échange entre l’UE et les pays du Mercosur. Elle défend ainsi des clauses de sauvegarde et des mesures miroirs, qui n’auront de sens que grâce à des contrôles, et plaide pour « la création d’une brigade française de contrôle des denrées importées ». La France devra aussi assurer l’absence de surtransposition, et renforcer le dispositif de l’assurance récolte, estime la ministre.
Cette dernière compte également doter le pays d’ « une agriculture d’avance » grâce à l’action collective des filières pour « chasser en meute », mais aussi par l’investissement dans l’innovation et la mise en place d’un « fonds souverain agricole ».
Enfin, assurer « un revenu digne pour les agriculteurs » pourra passer par une loi pour faire évoluer le système de formation des prix alimentaires. « Les lois Égalim ont posé des jalons utiles, mais elles demeurent trop complexes dans leur application. Nous devons bâtir un cadre plus simple, plus efficace, plus protecteur », a estimé la ministre.
L’ensemble de ces mesures doit être complétée par un travail d’information du consommateur.