La récolte de blé tendre 2024 s’annonce comme « une des plus faibles des 40 dernières années », indique Agreste dans son rapport mensuel. Le service statistique du ministère de l’agriculture estime la production à 26,3 millions de tonnes, en baisse de 23,9 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Le rendement moyen est révisé à la baisse, par rapport au mois dernier, à 62,4 q/ha.
Une estimation qui paraît encore trop « optimiste » en comparaison avec les réponses du sondage publié sur Terre-net entre le 30 juillet et le 9 août 2024 :
Plus tôt dans la semaine, Argus Media avait également livré ses estimations d’après un récent sondage de terrain. Le groupe spécialiste des marchés agricoles table sur un rendement moyen de blé tendre à 59,83 q/ha, et une production à 25,17 Mt pour la récolte 2024.
« Une énorme galère jusqu'au bout »
Quoi qu’il en soit, même si les moyennes restent à affiner, le manque à gagner devrait se compter en dizaines de milliers d’euros dans de nombreuses exploitations. De quoi aggraver le désarroi d’une profession qui s’est largement mobilisée cet hiver pour dénoncer la paperasserie et des revenus pas à la hauteur.
Les syndicats agricoles ont déjà demandé au gouvernement, même démissionnaire, de se mettre au travail pour aider les agriculteurs à traverser cette mauvaise passe.
Les pluies tombées abondamment depuis l'automne dernier sur de larges pans du territoire ont d'une part empêché la bonne réalisation des semis et des autres travaux : les surfaces consacrées au blé tendre ont reculé de près de 11 % sur un an. Puis l'excès d'eau et le manque d'ensoleillement ont plombé les rendements et la qualité des grains.
Cette moisson a été une « énorme galère jusqu'au bout », dit à l'AFP Jean-Guillaume Hannequin, 45 ans, qui exploite 200 hectares dans la Meuse (nord-est de la France). Il estime avoir produit 30 % de moins que d'habitude et s'attend à toucher « des miettes » de son assurance récolte car celle-ci ne se déclenche justement qu'à partir de 30 % de pertes « pour payer moins cher ».
Aussi président départemental de la FNSEA, il s'attend à un trou de 100 000 euros dans ses revenus par rapport à un potentiel de moisson « entre 250 000 et 300 000 euros ».
Réveil amer ce matin
— Laurie (@PoussierLaurie) July 29, 2024
Notre moisson est finie pour nous avec la sensation d’avoir bossé pour rien
C’est la plus mauvaise année qu’on est eu depuis qu’on est arrivé ici, que ce soit en rendement ou en paille 🌾
La vie de la ferme continue #FrAgTwpic.twitter.com/Ufo9nrzdHD
Cultures « noyées »
Bruno Grelier, agriculteur bio en Charente-Maritime (ouest), a vu une partie de ses cultures « noyées » et a dû resemer du blé. « C'est déjà arrivé qu'il y ait des mauvaises récoltes. On le sait, c'est le métier. Mais à ce point-là, c'est la première fois pour moi », décrit-il à l'AFP.
« Je ne suis pas le plus à plaindre, parce que j'ai 60 ans, dont 40 ans de métier. J'ai une petite assise [financière] malgré tout. (...) Pour des jeunes qui s'installent et qui ont pas mal d'emprunts, ça va être plus dur », pressent-il.
Les cultivateurs ne peuvent plus espérer compenser le déficit de volume par des prix de vente élevés : sur le marché européen, le blé tendre évolue autour de 220 euros la tonne depuis un mois car les récoltes sont globalement abondantes à l'échelle de la planète.
« Lot de consolation » pour Jean-Guillaume Hannequin : il voit ses vaches charolaises pâturer « heureuses ». « Cela faisait quinze ans qu'on leur donnait du foin ou de la paille l'été [car les prairies étaient grillées]. Là, il y a de l'herbe. »