La plupart des modélisations sur le changement climatique prédisent un accroissement de l’aire de répartition des insectes ravageurs, une augmentation du nombre de générations par année ainsi qu’une densité de population plus élevée. Mais, au-delà de ces prévisions alarmistes, rares sont les études permettant de prévoir l’expansion d’un ravageur en tenant compte seulement de la température et de l’humidité.
UN EFFET INDIRECT DU CLIMAT
Si la température joue un rôle essentiel pour le déterminisme des processus vitaux des insectes (reproduction, développement, survie, alimentation, déplacement…), d’autres facteurs entrent en jeu. Michel Martinez, entomologiste de renom, pense que les phénomènes d’invasion ou de pullulation observés pour certains ravageurs sont souvent la conséquence de changements environnementaux conjugués à des séquences climatiques courtes plutôt qu’à celle d’un changement du climat. C’était par exemple le cas en 2003 où certaines espèces de lépidoptères comme la pyrale du maïs ont plus enchaîné de générations qu’habituellement. D’autres lépidoptères ont profité des conditions climatiques exceptionnelles pour occasionner des dégâts dans d’autres territoires et sur d’autres cultures comme l’héliothis sur la luzerne au nord de la Loire. Mais ces observations ponctuelles ne se sont pas généralisées. Par exemple, l’héliothis ne s’est pas installée dans les régions septentrionales où elle avait été vue en 2003.
DES CYCLES SYNCHRONISÉS = DANGER
Les insectes étant très dépendants de l’environnement dans lequel ils évoluent, le réchauffement devrait agir en premier lieu sur les plantes. Il aura donc un effet indirect en modifiant les relations entre la plante et les insectes phytophages. Les dégâts pourraient être plus marqués si leurs cycles sont plus synchronisés et inversement. Ce constat a déjà pu être fait pour les infestations de pucerons des épis des céréales. Elles ont été globalement moins nuisibles au cours des dernières décennies, pourtant caractérisées par une série d’années chaudes. Charles-Antoine Dedryver, spécialiste des pucerons, émet l’hypothèse que le blé aurait atteint ces années-là plus tôt en saison des stades défavorables à l’accroissement des populations.
UNE ÉQUATION AUX MULTIPLES INCONNUES
La tentation de faire le lien entre le climat et la réapparition de certains bioagresseurs est souvent grande. Cependant, beaucoup de facteurs influencent les populations d’arthropodes phytophages. L’évolution des systèmes de culture et des stratégies de protection ont des conséquences nettement plus visibles sur certains ravageurs. La simplification du travail du sol ou le recours à des substances insecticides aux spectres d’action moins larges suite à la disparition d’une famille chimique réduisent l’efficacité du contrôle des populations. Les ravageurs des cultures continueront d’évoluer en fonction de nombreux paramètres : le climat n’est qu’une composante de l’équation.
