Quatre espèces de pucerons – Myzus persicae , Aphis nasturtii, Aulacorthum solani et Macrosiphum euphorbiae – sont couramment observées sur pommes de terre. Les individus migrent vers les parcelles de cette culture en sortie d’hiver lorsqu’ils sont au stade adultes ailés. Si les conditions sont favorables, ils colonisent rapidement le milieu grâce à une multiplication par parthénogenèse (clonage). Les pucerons peuvent ainsi être présents dès la levée des plants jusqu’à la sénescence, bien que les pics d’infestations soient généralement observés avant la floraison.

Pourquoi se préoccuper des pucerons?
En cas de pullulation, leur mode d’alimentation par prélèvement de sève affaiblit la plante et influence le rendement selon les conditions climatiques et les facteurs de stress. Des pertes de 5 à 16 t/ha peuvent être observées, notamment sur des variétés à cycle long.
Les symptômes en culture incluent un flétrissement et jaunissement du feuillage ainsi que la possible présence de fumagines (moisissure noire) sur le feuillage, dont le développement est favorisé par le dépôt de miellat issu des pucerons.
De plus, les quatre espèces citées sont susceptibles de transmettre des virus particulièrement dommageables en production de plants, mais pouvant également avoir un impact sur la qualité de la récolte. C’est le cas pour des variétés sensibles au virus Y par exemple, dont la souche NTN provoque des nécroses superficielles en forme d’arcs et d’anneaux sur les tubercules.
Depuis l’interdiction en janvier 2022 du flonicamide sur pucerons en pommes de terre de consommation, les solutions de lutte directe sont rares. Seuls le purin d’ortie (substance de base uniquement autorisée contre Myzus persicae) et des pyréthrinoïdes, utilisées seules ou en mélange avec un carbamate (pyrimicarbe), sont encore disponibles sur le marché.
Or, un rapport de 2021 du plan de surveillance de l’Anses a montré que 97 % des individus de l’espèce M. persicae prélevés au champ étaient porteurs d’au moins un allèle de résistance à ces familles chimiques et que 25 % d’entre eux avaient la double résistance aux pyréthrinoïdes et aux carbamates. En Belgique, cette catégorie représente plus d’un tiers des individus échantillonnés sur pommes de terre. Cette généralisation du phénomène de résistance aux produits conventionnels invite à la prudence quant à leur utilisation et à leur positionnement.
Un risque à gérer
Pour limiter les dégâts, mettre en place en priorité des mesures prophylactiques est donc préférable : privilégier, quand cela est possible, l’utilisation de variétés peu sensibles aux viroses, notamment au virus Y(1), et favoriser la présence et l’installation d’auxiliaires de cultures qui jouent un rôle non négligeable dans la régulation des populations de pucerons en pommes de terre(2). Dans un second temps, la surveillance régulière des parcelles est primordiale pour évaluer l’évolution des populations et ainsi raisonner l’intervention chimique. Un traitement peut s’avérer nécessaire si le seuil de 5 à 10 pucerons/feuille ou 50 % des folioles touchées est dépassé. En deçà, l’impact sur le rendement est négligeable et le traitement ne sera pas valorisé. De plus, compte tenu du risque de résistance aux pyréthrinoïdes chez M. persicae, limiter l’usage des produits qui ne les associent pas avec un carbamate est recommandé.
Des solutions à venir
Des expérimentations au champ et en conditions contrôlées sont menées depuis plusieurs années pour évaluer des solutions de lutte alternatives, parmi lesquelles des produits de biocontrôle avec action biocide ou répulsive, des solutions de lutte indirecte (paillage, plantes compagnes) ou encore des techniques de pulvérisation pour améliorer l’efficacité des insecticides de contact.
(1) Pour trouver les variétés résistantes au virus Y : https://www.plantdepommedeterre.org/comparer-les-varietes/