Elément crucial du Pacte vert de l'UE, cette législation proposée en juin 2022 par la Commission européenne prévoyait de réduire de moitié d'ici 2030, comparé à la période 2015-2017, l'utilisation et les risques à l'échelle de l'UE des produits phytosanitaires chimiques.
Première force du Parlement, le groupe PPE (droite) a fait passer des amendements visant à affaiblir considérablement le texte.
Celui-ci a en retour été rejeté lors d'un vote final par 299 voix (207 pour, 121 abstentions) par les eurodéputés réunis en plénière, les élus de gauche (socialistes, Verts, gauche radicale) refusant d'endosser un résultat trop édulcoré, à l'unisson d'une partie d'élus de Renew (libéraux).
Dans un vote distinct très serré, les eurodéputés ont ensuite refusé tout renvoi en commission parlementaire, de quoi mettre effectivement un terme à l'avenir du projet législatif d'autant que le texte divise profondément les Etats membres.
Théoriquement, les ministres de l'Agriculture peuvent continuer à examiner le texte et adopter une position en vue d'un second passage au Parlement, et la Commission a, elle, la possibilité de soumettre une nouvelle version. Mais ces scénarios paraissent très improbables à l'approche des élections.
« C'est certain, il n'y aura pas de réglementation pesticides sous ce mandat », a souligné Pascal Canfin, président (Renew) de la commission parlementaire Environnement. « Reste à voir ce que le Conseil (les Etats) fera », mais même s'il adoptait une position, « la procédure (au Parlement) continuera lors de la prochaine législature, le temps manque ».
« Jour noir » pour l'environnement
Jugeant le texte amendé trop faible, « presque vidé de sa substance », pour être le mandat de négociation avec les Etats, M. Canfin plaidait pour un renvoi en commission, une option finalement repoussée par la droite et quelques élus de Renew.
Pour les Verts, le Parlement a bien « enterré » la réglementation. « C'est un jour noir pour l'environnement et les agriculteurs », a aussitôt réagi la rapporteure du texte, l'écologiste autrichienne Sarah Wiener.
Elle a justifié la décision des Verts de repousser le texte après les dizaines d'amendements des conservateurs: « Sans règles contraignantes sur les traitements contre les nuisibles et en l'absence de contrôles, c'est du greenwashing. Nous ne pouvions voter en conscience pour un tel texte ».
Le groupe PPE s'opposait farouchement au texte, à l'unisson de l'organisation des syndicats agricoles majoritaires (Copa-Cogeca) et d'Etats hostiles au texte, sur fond de résistances croissantes aux réglementations environnementales de l'UE, jugées trop contraignantes et susceptibles selon eux de faire chuter les rendements.
« Aujourd'hui est un bon jour pour les agriculteurs et pour tous ceux qui pensent que l'UE doit s'abstenir de leur imposer de nouveaux fardeaux », s'est félicité l'eurodéputé allemand Peter Liese, appelant à un nouveau projet « en coopération avec le secteur agricole » dans la prochaine législature.
« La proposition bancale de la Commission subit un camouflet, il est temps d'arrêter de jouer aux apprentis sorciers en matière de politique environnementale et de prendre en compte les réalités des agriculteurs sur le terrain », abonde l'élue française Anne Sander.
Les organisations agricoles majoritaires ont applaudi ce vote : « Enfin ! Le Parlement européen reconnaît que le règlement "pesticides" était mal calibré, irréaliste, non financé, mais un pur texte idéologique », a salué sa directrice générale Christiane Lambert.
Après ce rejet de #SUR au @Europarl_EN le dialogue stratégique voulu par @vonderleyen est urgent pr écouter ceux qui subissent les directives&en finir avec ces textes idéalistes, top/down, déconnectés des réalités qui mettent en danger la souveraineté alimentaire @MarosSefcovic https://t.co/mCKYu8Qa7M
— Christiane Lambert (@ChLambert_FNSEA) November 22, 2023
Ce vote au Parlement intervient quelques jours après l'annonce par la Commission européenne de la reconduction pour dix ans de l'autorisation du glyphosate dans l'UE. « Les eurodéputés conservateurs ont porté le coup de grâce à cette loi essentielle. Nous sommes revenus à la case départ, sans aucune proposition pour lutter contre la crise de la biodiversité, garantir notre sécurité alimentaire et protéger la santé des citoyens », a déploré Clara Bourgin, de l'ONG environnementale Friends of the Earth.