Cette fois, le projet de bouchon sécurisé Easyconnect est en voie de se concrétiser. Dix ans après son lancement, les fabricants de produits phytosanitaires qui en sont à l’initiative ont profité du Sima, début novembre à Paris, pour communiquer. A ce jour, onze firmes sont engagées dans ce projet européen, dont les plus importants acteurs du secteur : BASF, Bayer, Syngenta, Corteva, etc.
L’objectif de ce système de transfert fermé (STF) est de renforcer la sécurité des utilisateurs lors du remplissage de la cuve, là où se font un quart des intoxications. Il s'agit aussi, pour les firmes, de conserver des marchés - et de continuer à proposer des solutions agriculteurs - dans un contexte propice aux interdictions de molécules les plus dangereuses, comme le concède Vincent Jacus, responsable bonnes pratiques phytosanitaires chez BASF. « Avoir des moyens de réduction du risque peut nous permettre de conserver sur le marché des produits existants et éviter d’autres restrictions réglementaires » résume-t-il.
Deux éléments : un bouchon et un connecteur
Le dispositif Easyconnect, qu’il ne faut pas confondre avec les éclairages de jardin du même nom, se compose de deux éléments : un bouchon spécifique monté sur les bidons de produits liquides et un connecteur relié à la cuve du pulvérisateur, qui est embarqué sur le pulvérisateur ou branché extérieurement. « Le connecteur, c’est un peu comme une vanne que l’on ouvre et que l’on ferme, développe Florent Grassaud, le représentant de l’entreprise américaine Pentair Hypro qui a conçu le dispositif. On tourne une manette, qui actionne plusieurs éléments : l’envoi du produit, la possibilité de rincer ou non ».
En vidéo : Comment utiliser le système Easyconnect
Le système permet donc de vidanger et de rincer sans contact tous les produits agrochimiques liquides. Les produits sont transférés directement du bidon vers la cuve, sans avoir besoin de visser ou dévisser le bouchon. Le rinçage du bidon et du bouchon se fait automatiquement par un système « mains libres » intégré. Et si le bidon n’a été que partiellement vidé, le système nettoie la partie extérieure de la valve de raccordement du bouchon afin que le contenant soit de nouveau prêt à l’emploi.
Uniquement les bidons de 5 à 15 litres
Les promoteurs de ce dispositif ne manquent pas d’arguments : « plus rapide pour l’opérateur », « sans odeur », « rinçage plus efficace », … Mais il a quelques limites. Seuls les produits liquides seront concernés, et uniquement dans des contenants de 5 à 15 litres. Or, « les poudres sont des vecteurs de contamination bien plus forts que les liquides », rappelle le docteur Gérard Bernadac, de la MSA. « Peut-être les firmes seront-elles tentées de transformer les poudres en liquides », espère-t-il.
Les premiers bidons équipés de ce STF seront en vente fin 2023 en France. Selon les prévisions les plus optimistes, cela devrait concerner 5 à 10 % des bidons. « On espère atteindre les 100 % d’ici 2030 » table Sylvaine Pierron, responsable Easyconnect pour la firme américaine Corteva agriscience. Il faudra donc du temps. « J’espère qu’il n’y aura pas à terme que 50 % des bidons qui seront équipés, parce que ce sera compliqué quand on aura un mélange à faire, s’il n’y a pas d’uniformité des bouchons », prévient Hervé Lapie, président de la FDSEA de la Marne et président de l’association Contrat de solutions.
3 500€ le connecteur
Par ailleurs, le dispositif n’a pas d’utilité sans le connecteur. Pour effectuer un transfert sans risque, il faudra donc s’en équiper. Il a fallu quatre années de travail à Pentair hypro pour développer son système de connecteur, qui compte bien être la seule entreprise à les fabriquer. Son usine de Pise (Italie) est déjà prête pour fabriquer cinquante connecteurs par semaine, et si besoin une deuxième ligne de production sera construite, promet-on. Prix catalogue d'un connecteur : « environ 3 500 euros l’unité », pour une durée de vie de dix ans. Il devra être installé sur le pulvé par le vendeur de matériel agricole. Le prix de marché sera fixé par chaque concessionnaire et distributeur, indique le groupe Easyconnect qui mobilise actuellement les pouvoirs publics pour que les agriculteurs puissent profiter d’aides à l’équipement. Certains constructeurs de pulvérisateurs, comme Evrard, pourraient proposer le système en option gratuite sur leurs nouveaux modèles.
« Ces connecteurs, systèmes mécaniques faits de roulements et de joints, auront aussi besoin d’être nettoyés après chaque utilisation, ou à chaque fois que l’on change de produit », prévient le représentant de Pentair Hypro. Or, les agriculteurs qui l’ont testé ne l’ont pas fait, jusque-là ».