Reportage au Tchad
Une houe, un sac de semence, et beaucoup de courage pour les semis

Découvrez la culture de sorgho au Tchad. (©Kévin Moity)
Découvrez la culture de sorgho au Tchad. (©Kévin Moity)

Dans cette région du Tchad, en bordure de la région sahélienne et de la zone soudanaise, le climat se traduit par des précipitations variant entre 500 et 700 mm, concentrés sur seulement quatre à cinq mois de juin/juillet à octobre, laissant ainsi sept à huit mois de saison sèche, sans pluie. L’agriculture qui y est pratiquée est extensive et familiale. Il s’agit de petites surfaces, avec de faibles rendements, une diversité des produits très limitée et des techniques de production souvent rudimentaires. Cependant, la quasi-totalité des familles possède un ou plusieurs champs, situés à proximité de leur habitation, ou à plusieurs kilomètres, selon la disponibilité des terres.

Sur une année, trois types de cultures sont réalisées. Il s’agit :

  • des  cultures pluviales (mil, sorgho, sésame, arachide, etc.), l’activité principale pratiquée pendant la saison des pluies ;
  • des cultures de décrues (bérébéré), pratiquées à la fin de la saison des pluies ;
  • et enfin, des cultures maraichères, dites de contre-saison, pratiquées par une minorité de familles une fois la saison des pluies terminées et les céréales récoltées.

Semis du sorgho blanc

Dans le village de Bandaro, la famille de Erbyé et Hamadi possède quelques champs, dont une parcelle de 2 ha destinée, cette année à la culture du sorgho blanc. « Habituellement nous ne cultivons que les arachides mais étant donné qu’il faudra payer, l’année prochaine, les études supérieures pour deux de mes filles, nous allons cultiver aussi le mil pour gagner un peu d’argent. »

Leurs fils, Djamal et Djamil, accompagnés de leur cousin, Djamaladine, sont en charge de ce champ. Le sorgho blanc est une culture tardive, se récoltant à la toute fin de la saison des pluies, après 120 jours dans le champ. Pour leur champ, deux variétés ont été choisies. La première, S-35, est une semence de variété améliorée, sélectionnée pour sa précocité et traitée chimiquement pour lutter contre les insectes et autres ennemis des cultures. La seconde, Amhalip, est une semence locale, n’ayant subi aucune action.

Après avoir acheté les semences au marché, et au lendemain d’une grosse pluie, direction le champ, situé à 7 km de la maison, à pieds, armés d’une houe et de leur sac de semences. À la force des bras, la houe permet de creuser des trous, nommés poquets, si possible en ligne, et avec un espacement idéal de 60 cm entre chaque poquet, et de 80 cm entre chaque ligne, pas toujours évident à respecter. Le geste est maîtrisé. Un coup de houe dans le sol, un mouvement de rotation pour en sortir la terre et le poquet est formé.

Découvrez la création des poquets en vidéo ci-dessous (cliquez sur le curseur pour lancer la lecture)

Il est généralement recommandé, avant le semis, d’effectuer un labour du champ à l’aide d’une charrue tractée par les bœufs. Cela permet un labour de 15 à 20 cm de profondeur, n’altérant pas la structure du sol et facilitant le travail par la suite. Depuis quelques années, des tracteurs apparaissent dans le pays et sont utilisés pour labourer. Ainsi les techniciens agricoles présents dans la Province, comme ceux de l’ONG Moustagbal (voir l'encadré de fin), sensibilisent énormément sur le danger d’une utilisation trop fréquente des tracteurs et sur l’importance de la préservation du sol.

Après plusieurs minutes de creusage, et pour reposer les muscles, il est l’heure d’y déposer les semences. Environ 10 graines sont introduites dans les poquets, refermés d’un geste du pied permettant de rabattre la terre et de tasser légèrement. Et l’exercice recommence jusqu’à terminer le stock de semences. Chaque poquet reçoit un mélange des deux semences. Lorsque le sorgho S-35 sera prêt à être récolté, il sera coupé, pour laisser l’autre variété se développer jusqu’à ce que son tour vienne. Cette première récolte pourra alors être vendue rapidement, et à prix fort. Pendant la saison des pluies, le prix des céréales flambe car les réserves sont très faibles. On parle de la période de « soudure »

Voir le travail en images :

La suite de l'itinéraire technique pour le sorgho blanc consiste, toujours à l’aide de la houe, outil principal de tout agriculteur dans la région et le pays, en un premier sarclage 15 jours après le semis, suivi d’un second encore 15 jours après. Un 3 e sarclage peut être réalisé, si besoin. Entre les deux premiers sarclages, une étape de démariage et repiquage des plants dans les poquets où les semences n’ont pas germé est réalisé. Cela permet de réduire le nombre de plants dans un même poquet.

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