« Le secteur des semences reste fort sur les exportations, avec un excédent commercial de 1,2 milliard d’euros. L’Hexagone conserve ainsi sa place de premier producteur européen, et de premier exportateur mondial de semences agricoles », présente Pierre Pagès, président de Semae à l'occasion de la conférence annuelle de l'interprofession.
« Notre secteur est très attendu sur les défis de la transition agroécologique et du changement climatique, mais fait face en parallèle à un contexte perturbé : augmentation des coûts de production et de l’énergie, tensions géopolitiques dans diverses régions du monde, niveaux de production variables selon les espèces… »
Pour « garantir la souveraineté alimentaire », la filière s’appuie sur un fort réseau d’agriculteurs-multiplicateurs, un réseau qui a toutefois tendance à s’éroder. En effet, Semae compte 16 864 agriculteurs-multiplicateurs dans l’Hexagone en 2023, contre 18 285 en 2019, soit une diminution de 7 % en 5 ans.
Retrouvez aussi l’évolution des superficies de multiplication de semences (ha) en France :
2019 | 2020 | 2021 | 2022 | 2023 | |
Céréales à paille et protéagineux | 139 614 | 134 606 | 140 841 | 134 249 | 131 375 |
Maïs et sorgho | 71 256 | 84 308 | 90 286 | 88 112 | 84 721 |
Fourragères et gazons | 48 754 | 49 879 | 53 580 | 45 147 | 38 891 |
Betteraves | 5 783 | 5 601 | 5 984 | 4 994 | 4 584 |
Pommes de terre | 23 192 | 24 161 | 24 361 | 23 539 | 21 074 |
Lin et chanvre | 26 882 | 31 852 | 24 945 | 34 318 | 33 021 |
Oléagineux | 42 252 | 33 343 | 33 521 | 31 890 | 34 227 |
Potagères et florales | 23 384 | 24 | 25 633 | 24 447 | 24 464 |
Total | 381 117 | 24 266 | 399 150 | 386 696 | 372 355 |
« Transparence et juste rémunération des producteurs »
Afin de contrer les freins pouvant expliquer la perte d’attractivité de cette production technique et exigeante, Semae se mobilise notamment pour « une juste rémunération des agriculteurs-multiplicateurs ». « Dans le cadre d’Égalim, nous avons lancé une étude sur le partage de la valeur au sein de la filière, le travail est très avancé sur le maïs notamment, et enclenché pour de nombreuses autres espèces », précise Pierre Pagès. La filière vise ainsi la transparence, l’idée est de donner des indicateurs aux producteurs, par espèce ou famille d’espèces, sur les prix payés par les établissements semenciers, actualisés chaque année.
Les équipes Semae rappellent également que « la convention type a été reprise en 2023, ainsi que les annexes spécifiques afin de faciliter les relations dans une filière contractualisée ». Autre action de l’interprofession pour aller dans ce sens, et conforter un réseau d’agriculteurs-multiplicateurs dans un contexte de renouvellement des générations : la reconnaissance du cadre réglementaire pour la mise en place d’organisations de producteurs (OP). « Nous avions l’exemple de la filière plants de pommes de terre, désormais tout le secteur des semences y a accès. On compte aujourd’hui 6 OP dans la filière maïs et une aussi dans le chanvre », ajoute le président de l’interprofession.
Garantir l’accès aux moyens de production
Au-delà de la rémunération des producteurs, Semae se mobilise également pour garantir la disponibilité des outils et moyens de production. L’interprofession est notamment un acteur du plan Écophyto 2030, ainsi que du Parsada afin de « développer des méthodes alternatives pouvant pallier la disparition de certaines substances actives ».
« En ce qui concerne le Parsada*, les lettres d’intention ont été envoyées en temps et en heure, la task force "semences" a choisi le sujet des ravageurs coléoptères, précise Jean-Marie Bournigal, directeur du groupement, chez Semae. Cette décision s’est faite en lien avec le programme grandes cultures, avec qui nous avons des intérêts croisés et qui a choisi de son côté l’étude sur les adventices graminées. Aux dernières nouvelles, le gouvernement devrait commencer à étudier ces lettres d’intention dès la semaine prochaine et les premiers contrats pourraient être signés dès le Salon de l’agriculture. »
« L’accès à la ressource en eau reste également un enjeu crucial pour la production de semences, note Laurent Bourdil, président de la commission transversale communication de l’interprofession. « Le secteur peut bénéficier de dérogations, mais il reste nécessaire d’avancer localement sur ce sujet », ajoute Jean-Marie Bournigal. L’interprofession entend également anticiper les besoins à venir, avec « le lancement de son étude Axa Climate, pour évaluer les risques liés au changement climatique sur la production de semences de 30 espèces en France d’ici 2030-2050. L’objectif est de prendre conscience de ce qu’on doit mettre en œuvre pour sécuriser nos productions », indique Pierre Pagès.

En attente d'un cadre juridique clair pour les NGT
Face aux défis du changement climatique et de la transition agroécologique, Semae maintient son engagement en faveur de la recherche et de l’innovation. 11 % du chiffre d’affaires de la filière y est ainsi investi, soit plus de 400 millions d’euros.
« Nous sommes vraiment en attente d’un cadre réglementaire clair en ce qui concerne les NGT (nouvelles techniques génomiques) de catégorie 1 afin de donner les moyens aux entreprises françaises et européennes d’accéder à ces technologies », précise le président de Semae. Sur la question de l’étiquetage, le plan de filière Semae de 2017-2018 demandait la transparence sur le mode d’obtention des variétés et notre position n’a pas changé. »
« Le Certificat d’obtention végétale (COV) doit rester le socle de la propriété intellectuelle pour la création variétale, souligne également Pierre Pagès. On ne souhaite pas qu’il y ait de brevet sur les gènes natifs, pour préserver la diversité génétique à tous les niveaux. »
Pierre Pagès a également salué la proposition du règlement communautaire de commercialisation du matériel de reproduction des végétaux : « l’harmonisation représente un élément majeur afin d’éviter les disparités, pour ne pas dire des distorsions de concurrence, entre les États membres ».
*Parsada : Plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures