Dans le Sud-Ouest, la somme des degré-jours est suffisante pour cultiver un certain nombre d'espèces en dérobée. Avec le changement climatique, produire 3 cultures en 2 ans peut représenter « une opportunité pour améliorer la rentabilité des systèmes de cultures tout en apportant des bénéfices proches de ceux des cultures intermédiaires (couverture du sol) ».
Afin d'accompagner les agriculteurs sur ce sujet, les chambres d'agriculture (CA) d'Occitanie et de Nouvelle-Aquitaine étudient la faisabilité technique de cette pratique au sein du projet Casdar* "3 cultures en 2 ans (3C2A)" (2019-2022). Le projet s'intéresse particulièrement aux cultures dérobées grains : semées à la récolte de la culture principale (orge, pois, colza, blé...) fin juin/début juillet, et récoltées en octobre/novembre. Parmi les principales espèces testées : le soja, le tournesol et le sarrasin.
Une forte variabilité de rendements selon les départements
Manon Pull et Julie Pitchers, respectivement chargée d'études "doubles cultures - 3C2A" et chargée de mission agronomie et système de culture à la CA d'Occitanie, nous présentent les premiers enseignements du projet disponibles à ce jour. Entre 2019 et 2021, des essais ont été réalisés sur 100 parcelles agriculteurs et sur 5 stations expérimentales. « Sur ces 3 campagnes, on observe une variabilité de résultats très importante selon les départements, indique Manon Pull. En effet, les rendements vont de 8 à 14 q/ha pour le tournesol, de 8 à 34 q/ ha pour le soja et de 1 à 19 q/ha pour le sarrasin. [...] La culture du soja se montre, par exemple, plus favorable en Occitanie qu'en Nouvelle-Aquitaine. »
Retrouvez le détail des rendements moyens par culture et par département :
À noter aussi : « les campagnes 2019 et 2020 ont été marquées par des étés très secs. Le contexte climatique s'est révélé plus adapté aux cultures en dérobée en 2021, avec plus de pluies estivales ».
L'accès à l'eau, premier facteur limitant
Les équipes ont analysé les pratiques culturales testées. En tournesol, l'itinéraire technique (ITK) qui revient le plus souvent comprend du travail du sol superficiel (déchaumage derrière une céréale à paille), du désherbage chimique (IFT moyen de 0,6) et de l'irrigation (dose moyenne de 75 mm). Les sojas sont plutôt semés en direct, les agriculteurs ont sinon aussi recours au désherbage chimique (IFT moyen de 0,8) et à l'irrigation (dose moyenne de 180 mm). En sarrasin, l'itinéraire technique est plus réduit : pas de travail du sol, pas de désherbage et pas d'irrigation.
Si un travail est encore en cours afin d'affiner les préconisations, les pratiques associées aux résultats obtenus ont permis d'identifier quelques points clés pour les 3 cultures, comme « une date de semis avant la mi-juillet ». Après avec le changement climatique, « l'augmentation des températures dans le futur devrait permettre d'arriver à maturité plus vite ou de semer un peu plus tard, notamment pour la région Nouvelle-Aquitaine. En Occitanie, la somme de degré-jours n'est pas limitante pour les cultures en dérobées, mais les températures pourraient devenir un problème si elles devenaient trop extrêmes », souligne Julie Pitchers.
Reste aussi « la problématique de l'accès à l'eau, l'un des points-clés de la réussite des cultures et un véritable enjeu dans le Sud-Ouest ». Les essais ont montré l'importance de l'eau autour de la levée, via les précipitations ou via l'irrigation. « En soja, l'irrigation reste cruciale. Pour le sarrasin, c'est l'eau autour de la floraison qui va permettre d'obtenir de meilleurs rendements ».
Focus sur le sarrasin
Manon Pull et Julie Pitchers nous proposent également un zoom sur les résultats obtenus en sarrasin, avec les données du projet 3C2A entre 2019 et 2021 ainsi les données de la chambre régionale de Nouvelle-Aquitaine 2016/2017.
Pour cette culture, les itinéraires les plus suivis par les agriculteurs sont les ITK 1 (sans irrigation, ni désherbage chimique, ni travail du sol), 2 (uniquement désherbage chimique) et 3 (uniquement travail du sol). Et ceux qui fonctionnent le mieux en pourcentage de réussite (parcelles récoltées) sont les ITK 2 et 6 (irrigation + travail du sol). Les équipes du projet écartent un peu l'ITK 5 car « les 2/3 des données sont issues des Pyrénées-Atlantiques, dans un contexte pédoclimatique particulièrement favorable à la double culture, avec l'obtention de rendements plus élevés que dans le reste des différents départements étudiés ».
Retrouvez aussi un cas type économique, créé artificiellement à partir des données récoltées. Il correspond à l'itinéraire le plus réalisé (sans travail du sol, ni irrigation, ni désherbage), notamment en Charente-Maritime, dans les Deux-Sèvres et la Vienne. Pour ces départements, le rendement moyen est de 5,5 q/ha en sarrasin (pour 75 % de parcelles récoltées).
ITK | Coût (€/ha) | |
Semis | Semoir combiné | 35 |
Semences de ferme (35 kg/ha) | 14 | |
Récolte | Moissonneuse-batteuse | 88 |
Rendement | 6 q/ha | 5,5 q/ha |
Prix de vente | 400 €/t | |
Charges opérationnelles | 14 €/ha | |
Charges de mécanisation | 123 €/ha | |
Marge semi-nette | 103 €/ha | 83 €/ha |
À noter : ces données ne prennent pas en compte, pour le moment, les éléments de la campagne 2022. Une étape de modélisation est également en cours pour permettre la sortie en mai 2023 d'un guide technico-économique. Plus de résultats à suivre prochainement donc.
*Les partenaires du projet 3C2A : 2 chambres régionales et 9 chambres départementales d’agriculture sur les régions Nouvelle- Aquitaine et Occitanie, Arvalis, Terres Inovia, des acteurs économiques (coopératives Arterris et Océalia), de la recherche (Inrae UMR AGIR Toulouse, Inrae UE APC (Unité expérimentale agroécologie et phénotypage des cultures), de l’enseignement agricole (EPL d’Auzeville) et des agriculteurs.