Les coûts de production argentins sont parmi les plus bas du monde : 168 $/t pour le blé et 97 $/t pour le maïs en moyenne sur la période 2013-2023 d’après le Réseau Agri benchmark, versus respectivement 210 $/t et 201 $/t pour la France, où le maïs est irrigué sur les fermes de l’échantillon. Ces coûts de production additionnent la mécanisation, la main-d’œuvre (MO), les intrants et la rémunération du foncier.
La performance argentine tient à celle de leur coût de mécanisation et MO. Ces deux composantes représentent environ 20 % du coût de production du blé dans ce pays, versus 42 % en France.
Une organisation du travail qui réduit les coûts de mécanisation et main-d’œuvre
Une des principales explications de ce faible coût de mécanisation et MO est le recours, par les chefs d’exploitations argentins, aux services d’entrepreneurs de travaux agricoles (ETA). En Argentine, 70 % des semis, 90 % des moissons, 70 % des traitements au pulvérisateur et 80 % de la fertilisation sont effectués par des ETA, dénommés « contratistas ».
Grâce à cette délégation, les agriculteurs n’ont pas besoin de stocker, réparer, assurer et amortir le matériel.
Si les ETA répercutent ces frais sur les factures, ils les diluent sur des surfaces sans commune mesure avec ce qu’il se passe en France (tableau ci-dessous). Ces ETA argentins sont en effet des structures spécialisées avec une organisation pensée pour optimiser le matériel. La grande largeur des outils accélère le débit de chantier. Mais surtout, les rotations avec trois cultures en deux ans et le gradient de climat du nord au sud de ce long pays permettent de réaliser davantage de surfaces avec un matériel donné. Certains ETA opèrent dans un rayon de 1000 km, grâce à leurs salariés flexibles, logés dans des caravanes.
Pour rappel, l’amortissement du matériel et le coût du travail sont primordiaux dans le coût de mécanisation et MO. Le carburant, l’entretien des agroéquipements et les frais financiers ont une importance bien moindre.

Le semis direct divise par quatre le temps passé
L’autre clef est l’adoption quasi-systématique du semis direct.
D’après la Fédération argentine des entrepreneurs de travaux agricoles (Facma), le semis direct divise le temps de travail par quatre sur la période de culture : 3,6 heures par hectare sont nécessaires du labour à la moisson du blé ou du maïs, contre 0,9 h/ha en semis direct (figure ci-dessous). À noter qu’il n’y a pas d’irrigation en Argentine.

Avec moins de passages, le semis direct réduit la consommation de diesel et le temps passé par hectare. Enfin, moins de matériels signifie moins de charges de structure.
Une conduite plus extensive
Les coûts de mécanisation et MO sont d’autant plus faibles que les agriculteurs argentins suivent des conduites plus simples que leurs homologues français. Par exemple, la fertilisation se limite souvent à un apport au semis et la protection phytosanitaire à deux passages en blé.
Malgré ces conduites plus extensives en travail et en intrants, les rendements du blé vont de 3 à 5 t/ha selon les années. Ainsi, les coûts de mécanisation et main d’œuvre sont de l’ordre de 35 €/t en Argentine, quand ils sont proches de 90 €/t en moyenne sur les fermes françaises de l’échantillon Agri benchmark.
Un modèle plus ou moins facile à transposer
Le modèle argentin n’est pas forcément adapté aux conditions françaises. Les parcellaires, la législation - notamment sur le droit du travail et l’environnement -, la vision du métier d’agriculteur et les systèmes de production (davantage diversifiés en France), par exemple, divergent nettement.
En revanche, des systèmes proches se développent en France : la délégation de travaux, l’agriculture de conservation des sols, la gestion du matériel à plusieurs…
Le changement climatique et la multiplication des aléas sont également des paramètres à intégrer dans le raisonnement du parc matériel et de la main-d’œuvre. Les jours disponibles se réduisent sur certaines opérations culturales. La recherche d’un débit horaire supérieur pour pallier ce risque peut se traduire par l’augmentation des coûts en €/ha.
Pour autant, la recherche d’une meilleure organisation du parc matériel et de la main d’œuvre, en collectif ou non, reste un objectif stratégique pour les exploitations de l’Hexagone
Auteurs : Yannick Carel, Oscar Godin (Arvalis), Bénédicte Rebendenne (Upterra).