Chronique d’un burn-out annoncé

Marie-Laure Hustache consultante en communication spécialisée dans le secteur agricole.
Selon Marie-Laure Hustache, consultante en communication spécialisée dans le secteur agricole, les agriculteurs sont au bord du burn-out socio-professionnel. (©Capture X / M.L. Hustache)

Ne nous y trompons pas : le mécontentement qui s’est manifesté dans un premier temps de façon sourde et qui éclate depuis quelques semaines au grand jour, jusque dans les allées du Salon international de l’agriculture, est le signe d’un phénomène de burn-out qui touche la quasi totalité d’une catégorie socio-professionnelle déboussolée.

Une lente accumulation d’incohérences d’ordre économique, technocratique, organisationnel ne pouvait que conduire à la situation actuelle. Confrontés à des impasses auxquelles s’ajoutent un vrai sentiment d’abandon et d’humiliation, dans un contexte d’instabilité climatique et politique, le monde agricole n’a plus d’autre solution que de faire entendre bruyamment sa grande incompréhension.

Car l’agriculture française est en péril du fait du manque d’anticipation et de lucidité de bon nombre de décideurs d’en haut, ce qui entraine une perte de confiance en l’avenir chez celles et ceux qui voudraient travailler convenablement, dignement et ainsi ouvrir sereinement la voie aux nouvelles générations. Cette lame de fond que les agricultrices et les agriculteurs voient venir depuis tant d’années, et qui a donné lieu à ce burn-out contagieux, surprend aujourd’hui les responsables économiques et politiques par son intensité et sa profondeur.

Qui voudrait consacrer sa vie à un métier aussi exigeant que paupérisant ?

En tête des activités professionnelles directement concernées par le réel, se trouvent les professions de santé, de sécurité et du secteur agricole. Ce sont ces premiers de cordée qui nous ont permis de traverser la période de crise sanitaire liée au Covid de la manière la moins traumatique. Aujourd’hui, les agriculteurs ne sont plus perçus par le public d’une façon caricaturale ou naïve, car chacun sait désormais qu’ils vivent au quotidien le changement climatique, qu’ils se coltinent les éléments, qu’ils vivent au rythme du monde animal, du monde végétal, des écosystèmes, du climat et des saisons.

Or qu’ils soient Français ou européens, dans leur immense majorité, bon nombre d’entre eux ont désormais le sentiment qu’ils ne peuvent plus assurer de façon qualitative et responsable leur métier de producteur, d’éleveur, de maraîcher, de viticulteur. Cette exigence personnelle, malmenée par les fameuses « injonctions contradictoires » du moment, aura été le terreau idéal d’un burn-out démoralisant et depuis peu mobilisateur.

Et comme tout burn-out, ce phénomène est ultra-tardif et ultra-explosif, bien que de nombreuses alertes l’avaient annoncé à plusieurs reprises au fil des années. Des signaux de mal-être et de mécontentement bien présents et bien exprimés sur tous les territoires et selon tous les modes d’expression possibles. De la triste réalité d’un passage à l’acte, à l’oeuvre littéraire ou cinématographique, du témoignage terrain entendu de la part d’un voisin, d’un membre de la famille à la tribune de presse ou à l’opération de communication organisée, tout concordait et donnait à penser que le malaise finirait par donner lieu à une crise sans précédent.

Un management surplombant

Les agriculteurs de cette fin de premier quart de 21e siècle sont largement représentatifs des citoyens français actuels. Et pour la première fois sans doute dans ce mouvement, les Français se mettent véritablement à la place des manifestants. Enseignants, soignants, cadres, employés, chefs d’entreprise, retraités, artisans…Ce ras-le-bol face aux paperasses et aux contrôles excessifs, ce tourment quotidien, cette « boule au ventre » face aux priorités budgétaires et aux urgences de tous ordres qui s’accumulent, ce sentiment d’impuissance une fois les comptes de fin de mois effectués, tout cela parle aux Français.

L’agriculture est en proie à une crise majeure due à un management  d’en haut et technocratique, surplombant, aveugle et désordonné. On exhorte depuis trop longtemps ces « entrepreneurs du vivant » à préserver leur patrimoine, la biodiversité, à tenir compte des externalités négatives, à valoriser les externalités positives, à rester compétitifs et réactifs. C’est la fameuse « quadrature du cercle » qui finit immanquablement par lessiver les plus motivés, les plus passionnés, les plus disciplinés. Car le burn-out est toujours lié à un souci éthique exacerbé qui épuise et finit par impressionner les consommateurs (et les « agrimangeurs » que nous sommes trois fois par jour !) qui réalisent en ce début d’année 2024 que cette profession est depuis trop longtemps maltraitée et poussée à la révolte.

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