L e tassement du sol occasionne des pertes de rendement systématiques de 5 à 30 % quel que soit le système, irrigué ou non. Dans les horizons superficiels, sur les dix premiers centimètres, est provoqué essentiellement par le passage de machines. En profondeur, entre 20 et 30 cm, il est dû à l’humidité du sol. « La porosité provoquée par le travail du sol crée une sensibilité au tassement », alerte par ailleurs Christian Savary, conseiller agroéquipement à la chambre d’agriculture de Normandie.
Pour réduire la pression au sol, les manufacturiers ont multiplié les innovations depuis une dizaine d’années. Les diverses solutions existantes consistent à mieux répartir la charge. Mais quelle que soit la situation, si l’on dépasse 17 t de charge par essieu sur des terres limoneuses et humides, elles seront tassées en profondeur au-delà de 30 cm.
Efficacité relative des roues plus grandes ou plus larges
Un pneu à grand volume d’air permet d’augmenter la surface d’empreinte au sol. Les manufacturiers en proposent désormais qui atteignent 650 à 900 mm de large pour les tracteurs de 200 à 250 ch de puissance (contre 420 à 520 mm de large en standard). Le diamètre s’étend lui aussi, certains modèles atteignent 2,15 m, voire 2,32 m chez Michelin, par exemple. « Les céréaliers constituaient la clientèle pour ces produits-là, mais désormais, les polyculteurs-éleveurs s’y intéressent également », note Jonathan Ramos, directeur technique et spécifications chez Trelleborg. Si le pneu à grand volume d’air permet de diminuer la contrainte en surface, il influence peu la propagation des contraintes en profondeur.
Le jumelage : efficace et peu coûteux
Le jumelage, aussi efficace que les pneus basse pression, consiste à doubler les roues sur chaque essieu, et donc la surface de contact au sol. La technique revient en vogue depuis cinq ou six ans, sans doute parce qu’elle est assez peu onéreuse, surtout si l’agriculteur opte pour des pneus d’occasion. « Excellent compromis entre le coût et la performance », commente Julien Hérault, conseiller indépendant en machinisme. Les adeptes sont nombreux parmi les céréaliers du grand Bassin parisien, particulièrement pour les travaux de semis. « Si le sol est assez ressuyé, les roues jumelées sont plus intéressantes que les pneus basse pression », remarque Pascale Métais, ingénieure spécialisée sur la fertilité physique et la structure des sols chez Arvalis-Institut du végétal.
Les basse-pression : efficaces, mais onéreux
Réduire la pression des pneus (en deçà de 1 bar) élargit la zone de contact au sol. Après les pneus standards sont apparus les pneus élargis, puis très élargis et, plus récemment, les pneus IF (improved flexion) et VF (very high flexion). Les IF sont capables de supporter 20 % de charge supplémentaire au champ, et de rouler jusqu’à 65 km/h sur route. « La majorité des pneus montés sur les engins neufs en grandes cultures sont aujourd’hui des modèles de technologie IF », constate Guillaume Vidal, responsable marketing chez Michelin. Les VF, à flancs encore plus souples, acceptent une charge de 40 % supérieure à celle des pneus standards. En situation humide, la solution est efficace à condition de réduire significativement la pression de gonflage.
Outre le prix, la principale contrainte des pneus basse pression réside dans la nécessité de les dégonfler et regonfler selon qu’on passe de la route au champ et vice versa. Certains trouvent un compromis en gonflant à 0,8 bar tout le temps et en roulant moins vite sur la chaussée.
La firme Trelleborg a lancé le Pneutrac, un modèle à structure alvéolaire, « entre le pneu classique et la chenille », pour l’arboriculture et la viticulture. L’absence de flancs crée un effet chenille dans la répartition de la charge au sol. « Demain, la demande devrait arriver sur de plus grandes dimensions, pour les besoins de la grande culture », veut croire le directeur technique et spécifications de Trelleborg.
Le pneu adapté à la route et au champ, révolution silencieuse
Michelin a conçu le pneu Évobib, médaille d’or au Sima 2017, qui intègre la technologie VF et s’adapte à la route et au champ. Sa sculpture, réservée aux tracteurs de plus de 200 ch, change selon la pression de gonflage. Peu gonflé, c’est un pneu à chevrons, plus gonflé, il se transforme en pneu route.
La chenille : efficace en surface pour les charges lourdes
La chenille constitue la solution qui apparaît comme imbattable pour compacter le moins possible en surface, mais qui demeure peu répandue hormis sur les prospectus ou sur certaines machines automotrices. Elle intervient en dernier recours lorsqu’il s’agit de passer avec de grosses charges.
Le train de chenille augmente très sensiblement la surface d’empreinte et limite significativement le tassement de surface. Pas celui en profondeur. La solution est surtout valable sur terre meuble, pour des travaux d’épandage en sortie hiver et de reprise de travail du sol. À partir de 30 cm, aucune différence significative n’est observable entre la chenille et le pneu. C’est le résultat d’un essai mené dans les Hauts-de-France avec une arracheuse de betteraves sur sol limoneux humide par l’association de transferts de résultats Agro transfert.
« CTF », quèsaco ?
Dernière solution : le controlled traffic farming (CTF). Le principe est simple, tous les chantiers sont effectués en utilisant l’auto-guidage, qui a pour mission de faire passer le matériel toujours dans les mêmes empreintes. Pour cela, il faut évidemment une installation RTK, ainsi que des outils ayant tous la même largeur de travail (ou un multiple). Les passages sont archi compactés, ce sont donc les voies sacrifiées au profit du reste de la parcelle.
Le CTF permet de concilier débit de chantier et conservation des sols. En Australie et en Amérique du Nord, la technique émerge, mais pas en France, où il y a peu de chance qu’elle se développe, le parcellaire n’étant pas adapté. Nos champs sont trop petits et surtout, l’équipement est hors de prix, car il faut que l’exploitant renouvelle son parc machines, ou a minima modifie ses outils. Installer un élargisseur de voie pour obtenir la même distance entre les deux roues d’un essieu coûte très cher.