![]() « Russie et Ukraine, un binôme très fort sur les marchés actuellement (gains d’appels d’offre en Égypte par exemple grâce aux faibles coûts de transport), qui influence énormément les prix du blé et des orges fourragères sur les marchés mondiaux. » (© terre-net Média) |
Pierre Bégoc : L’hiver a été très rigoureux ,occasionnant une épaisse croûte de gel et une épaisseur de neige insuffisante pour protéger les couverts végétaux en Ukraine et en Russie. Le blé d’hiver et le colza d’hiver ont été affectés. Le colza ukrainien a très fortement souffert avec au moins 30 % de pertes prévues. On estime le potentiel de production de l’Ukraine en colza à la baisse à environ 1,5 Mt au lieu de 1,8 Mt (pour un disponible exportable auparavant de 1,4 à 1,5 Mt de tonnes).
L’Ukraine est le 1er fournisseur en graine de colza de l’Union européenne. Pourtant les opérateurs hors UE sont eux-mêmes déjà à la recherche de graines pour répondre aux besoins croissants de la trituration. Une tension sur le marché ukrainien et moins de disponibilités engendreront un stress supplémentaire sur le marché de l’Europe de l’Ouest et donc une probable hausse des prix.
T-N M : Et concernant le blé d’hiver en Ukraine ?
P.B. : Nous avons observé le même problème que pour le colza en sortie d’hiver avec des températures très rigoureuses en janvier et février. Le manteau neigeux était trop mince et les périodes de gel et de dégels qui se sont succédées ont donné lieu à une perte de surface de l’ordre de 7-8 %. Cela n’impactera pas trop les capacités d’exportation du pays. On estime que l’Ukraine exportera environ 20 millions de tonnes de céréales sur la campagne, objectif dorénavant facile à atteindre pour ce pays.
T-N M : Le marché Russe a-t-il la même orientation ?
P.B. : En Russie, c’est un peu la même situation. Au mois de mars, au nord du Kouban, il faisait encore -16 °C le matin donc des conditions délicates et un dégel qui a tardé à venir. Les cultures ont souffert au cours de cet hiver long. Les pertes en blé d’hiver et colza sont similaires à celles de l’Ukraine avec de fortes variabilités entre les régions. Ces conditions climatiques ont donné lieu à un net repli des surfaces en blé et colza qui ont donc été ressemées au printemps, soit en tournesol, soit en colza de printemps, soit en maïs.
C’est surtout le colza d’hiver perdu qui a été remplacé par du maïs sachant que les cultures les plus profitables l’année dernière étaient le tournesol et le maïs sur la zone où on est historiquement en production de tournesol.
Le maïs se porte bien. C’est le maïs grain qui domine car l’élevage souffre dans la zone Cei avec un déficit chronique en lait. Le cheptel se maintient mais a du mal à croître.
T-N M : La position stratégique du bassin mer Noire concurrence-t-elle l’Europe de l’Ouest ?
P.B. : L’Ukraine, la Russie et le Kazakhstan forment un trio qui pèse énormément sur les marchés mondiaux. Il attaque des marchés de dégagement très convoités par l’Europe de l’Ouest y compris la France.
L’Ukraine travaille beaucoup sur l’Egypte en maïs, et sur l’Espagne en orges fourragères. Le Fob mer Noire est compétitif car en termes logistiques, vous êtes à 24h de bateau d’Odessa par la mer Méditerranée, direct sur les pays du Maghreb, sur l’Egypte et le Moyen Orient par la mer Rouge. L’Asie du Sud-Est pourrait également devenir une cible.
C’est pour ça que toute l’attention est portée sur les capacités exportatrices des pays de la mer Noire, en particulier l’Ukraine et la Russie. Le Kazakhstan est un pays enclavé qui, pour pouvoir exporter ses grains, doit passer soit par les ports ukrainiens, soit par Novorossiisk, le port russe ou par St Petersbourg et les pays baltes. Cet éloignement cause des problèmes de transport et augmente le coût de celui-ci, ce qui favorise encore plus l’origine ukrainienne et l’origine russe.
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