Terre-net Média : Deux ans après une première édition à Laval, les deuxièmes Rencontres nationales des agricultures sont consacrées à l’emploi agricole et rural. Quel en est l’objectif ?
Mikel Hiribarren : L’emploi est l’une des grandes urgences en agriculture. Année après année, décennie après décennie, le monde rural se vide de ses paysans. C’est insupportable ! Les paysans sont indispensables à la vie de nos territoires ruraux.
L’objectif de ces journées est de rassembler tous les acteurs du monde agricole et rural développant des alternatives au modèle agricole dominant qui détruit des emplois. Pendant trois jours, nous allons débattre et échanger sur nos expériences, pour approfondir notre vision d’avenir.
Tnm : Vous dénoncez « un système industriel qui détruit l’emploi agricole » mais aussi au sein des filières en aval. Que faut-il faire pour que cela change ?
MH : Il faut d’abord que tout le monde prenne conscience de la réalité : le modèle agricole actuellement en place détruit des emplois dans la production agricole, mais aussi en amont et en aval : fournisseurs d’intrants, collecteurs, transformateurs, etc.. Il faut ensuite faire des propositions ensemble pour impulser d’autres politiques agricoles et les présenter aux décideurs politiques. C’est l’objectif du dimanche matin.
Tnm : En défendant un changement de politique, ne souhaitez-vous pas une plus vaste réorientation des aides ?
MH : Oui. Actuellement, les aides publiques servent surtout à la concentration des moyens. Elles servent aussi à rendre l’agriculture plus dépendante à la technique et aux gadgets. Si les aides étaient davantage ciblées vers les initiatives pourvoyeuses d’emplois, l’agriculture serait beaucoup plus riche. La valeur ajoutée ne servirait plus seulement à rémunérer le capital ou à rembourser des emprunts.
Tnm : Selon vous, la notion d’actif n’a pas été suffisamment considérée dans la réforme de la Pac ?
MH : Concernant la réforme de la Pac, nous étions favorables à une autre répartition des aides. La répartition à la surface et au nombre d’animaux n’est pas du tout équitable. Certes, elle permet de maintenir des volumes de production mais elle ne valorise aucunement l’emploi. Les aides doivent être ciblées en fonction du nombre d’actifs agricoles.
Tnm : La ferme des 1.000 vaches est devenue un symbole pour ceux qui, comme la Confédération paysanne, luttent contre un « modèle agricole industriel ». Sur ce dossier, vous attendiez-vous à un meilleur soutien du Gouvernement ?
Sur ce dossier, soit il y a eu un recul du Gouvernement, soit nous nous sommes fait un certain nombre d’illusions sur les orientations qui auraient pu être prises par un gouvernement socialiste. Avec l’arrivée de François Hollande à l’Elysée, nous pouvions espérer un changement de cap. Ca n’a pas été le cas.
Mis à part quelques engagements positifs dans la loi d’avenir agricole et la réforme de la Pac pour 2015-2020, les orientations prises ces deux dernières années nous déçoivent car elles restent dans la droite ligne d’une agriculture focalisée sur les volumes et l’exportation mais destructrice d’emplois.
A l’inverse, toutes les structures s’associant à ces journées de débats défendent une agriculture relocalisée, avec des productions de qualité et des territoires profitant de nouvelles dynamiques en termes d’emplois. C’est ce que nous allons essayer de démontrer aux décideurs à l’issue de ces trois jours d’échanges.
Pour en revenir aux 1.000 vaches, la question de la qualité de l’emploi est rarement posée et mérite pourtant un débat ! Les créations d’emplois annoncées ne seront que des emplois spécialisés peu rémunérés, avec finalement peu d’intérêt par rapport au métier d’agriculteur. La traite, par exemple, se fera à la chaîne, comme dans n’importe quelle autre industrie. Est-ce vraiment ce type d’emploi qu’il faut développer ?
Tnm : Stéphane Le Foll défend un modèle agro-écologique pour la France. Ce projet peut-il contribuer à favoriser l’emploi agricole ?
MH : Si l’agro-écologie était un modèle permettant de faire une agriculture en lien total entre les hommes et la nature, alors oui, cela pourrait être un vrai gisement d’emplois. Mais nous craignons fort que le modèle agro-écologique défendu par le ministre ne se limite à résoudre des problèmes agronomiques uniquement par la technique et la science. Ce type d’agro-écologie n’aura aucun impact positif sur l’emploi. Pire, nous pouvons soupçonner certains d’en profiter pour introduire des techniques, comme les Ogm que nous avons toujours refusés jusqu’à présent.